Rennes: Invitation à une discussion à la Maison de la Grève |
Le mardi 30 novembre à 18 heures, une grande soirée de débat, discussion, réflexion se tiendra à la Maison de la Grève de Rennes. Suite à la présentation d'autres expériences de mise en place de lieux collectifs au service de la lutte (Bourses du travail, LKP, occupation de la Banque Nationale à Barcelone…), toutes les personnes, groupes ou organisations seront invitées à réfléchir ensemble sur ce que nous voulons faire de la Maison de la Grève, et sur les modes de fonctionnement dont nous devrons nous doter pour y parvenir.
La création successive de l'AGI (l'Assemblée Générale Interprofessionnelle), de la Maison de la Grève et de la Coordination régionale des AGI résulte du pari que nous pouvons nous organiser et nous coordonner pour renverser le rapport de force en notre faveur face aux patrons et au gouvernement, grâce au travail commun de toutes les personnes et organisations. La Maison de la Grève est un outil réappropriable par tous : et tous ceux voulant participer à son élaboration y sont les bienvenus.
La grève contre la réforme des retraites a ouvert une brèche. Pendant trois semaines nous avons vécu un moment d'exception. Des personnes de catégories différentes, syndiquées ou non, ont redonné toute sa puissance à la grève : l'arrêt de la production par l'articulation des piquets, des blocages et des assemblées inter-professionnelles. Pour une fois il ne s'agissait pas de se demander qui est légitime à bloquer un site, ou une entreprise mais de se poser les questions stratégiques «que bloquer et comment lutter ensemble ?».
Maintenant ? Nous pouvons faire en sorte que la reprise du travail ne corresponde pas exactement au retour à la normale. Il ne s'agit pas d'être une poignée de jusqu'au-boutistes pour faire les dernières actions de blocage. La réforme des retraites est le premier pas d'un plan d'austérité bien plus large dans lequel la crise est brandie et utilisée pour broyer toujours plus nos conditions d'existence. La colère qui s'est exprimée n'a aucune raison de retomber et les occasions de lutter ne manqueront pas. C'est pourquoi nous devons créer localement et nationalement des dynamiques pour battre en brèche et se défaire de la logique de l'économie. Non pas attendre la prochaine réforme pour reconstruire un autre mouvement à partir de zéro. Mais au contraire, considérer que les mouvements de grève sont les moments forts d'un processus plus long de création et de coordination de liens, de solidarités et de formes de lutte.
Durant la grève, pour partager les expériences et organiser les actions de blocage de l'économie, l'AGI (Assemblée Générale Interprofessionnelle) a été créée. Elle n'a pas pour but de se substituer à la liaison interprofessionnelle réalisée au sein de chaque syndicat, mais d'être un espace de composition et de coordination entre tous ceux, personnes et groupes, qui participent au mouvement et plus largement qui ont le désir de prolonger la lutte. Les participants à cette assemblée ont décidé de réquisitionner un lieu appartenant à la mairie. Rebaptisé «Maison de la Grève», ce lieu est un outil pour discuter, écrire, se réunir, tenir les AGI, un lieu pour faire vivre les pratiques de solidarité nées ces dernières semaines (cantines approvisionnées par des paysans en lutte, caisse de grève, etc.).
Malgré un nombre assez faible de grévistes, le mouvement que nous venons de vivre, en alliant à la grève les actions de blocages, a fait vaciller le pays en le menaçant de paralysie. Il aura fallu à la fois les réquisitions de personnels, la répression policière et le battage médiatique pour en venir à bout. Pour être victorieux nous devons nous donner les moyens de faire durer les grèves (grèves tournantes, caisse de grèves etc.) et de rendre plus évidente et commune la pratique des blocages. C'est également en ce sens qu'ont déjà commencé des coordinations régionales et nationales des assemblées interprofessionnelles, pour ne plus être soumis au rythme des directions syndicales qui choisissent seules les journées d'action et la fin du mouvement. C'est à ceux qui font la grève et qui participent aux actions de blocage de décider quand et comment passer à l'offensive.
S'organiser à la Maison de la Grève
Les informations qui sont données [ci-dessous] ne le sont qu'à titre de proposition. En effet, le mode de fonctionnement de la Maison de la Grève ne peut être décidé que collectivement, par tous ceux qui cherchent à rendre ce projet consistant. Il s'agit là d'un compte-rendu des dynamiques à l'œuvre depuis l'ouverture de cet espace ; toutefois, cette invitation ayant pour vocation de permettre la participation à la Maison de la Grève, ces propositions peuvent dans une large mesure s'agencer avec d'autres.
Les groupes de travail :
1- Liaison-action-conspiration (tous les lundis à 18h)
Dans le but de faire vivre les liens qui sont nés dans cette grève et de les étendre ce groupe se chargera de tisser un réseau afin de coordonner des luttes locales. Cela peut s'agir de ne pas laisser passer des représailles post-grèves sur les salariés, de soutenir des revendications internes à une entreprise, etc. C'est l'occasion de créer des solidarités, c'est-à-dire de ne pas être seul et isolé à lutter mais que chaque salarié sache qu'il peut compter sur les participants à l'AGI et à la Maison de la Grève pour faire plier sa direction. Il s'agit de propager par nos actes l'idée que ce qui paye c'est de s'organiser au-delà des corporatismes et des identités socio-professionnelles et par des moyens qui ne sont pas uniquement symboliques : tout ce qui peut d'une manière ou d'une autre enrayer, ralentir, bloquer le travail là où la grève est indispensable mais bien souvent insuffisante.
Ce groupe se chargera aussi d'un travail de recherche et de rencontre dans le but d'acquérir collectivement toutes les connaissances pratiques pour être en mesure de renforcer notre puissance de blocage. C'est autant récolter des informations sur le rôle et les manières de bloquer telle entreprise ou tel flux de l'économie rennaise que l'échange des savoirs et des expériences sur comment chacun peut faire grève, comment chacun peut bloquer (par exemple quand on est intérimaire, chômeur, isolé dans son entreprise ; par les techniques de coulages, de grèves tournantes…).
2- Présence en ville et visibilité (tous les lundis à 10h)
Le capitalisme ne se restreint pas seulement à l'exploitation salariale. Il colonise et veut rendre productif tous les pans de nos vies (pas seulement par la consommation mais en influant sur la manière dont on se nourrit, dont on se lie aux autres, dont on circule ou habite dans nos villes et nos campagnes). Pour cela une de ses plus grosses machines est la métropole même : l'organisation du territoire par l'urbanisme vise à faciliter la circulation des flux qu'ils soient humains, matériels ou médiatiques. C'est en ce sens que les rues doivent être propres, sous surveillance de la police et des caméras, sans que l'on puisse s'arrêter trop longtemps si ce n'est pour dépenser son argent.
Nous devons inventer des moyens de bloquer la métropole ! Il peut s'agir simplement d'y faire surgir autre chose : projections sauvages, cantines ambulantes, journaux muraux, charivaris… Pour cela une base logistique minimum doit être mise en place. Pour le début, une salle reprographie est installée et mise à disposition avec un photocopieur noir et blanc et tout le matériel pour réaliser des affiches en sérigraphie.
Enfin, ce groupe se chargera également des liens avec les médias officiels et alternatifs.
3- Solidarité matérielle et vie de la Maison de la Grève (tous les jeudis à 19h)
Pour faire durer les grèves nous devons être en mesure de ne plus dépendre entièrement des institutions et de l'économie. Il faut faire en sorte que payer son loyer, ou manger ne soient pas les raisons pour lesquelles on arrête la grève ou l'on refuse de rentrer dans la lutte. Nous devons faire grandir les pratiques de solidarité qui ont revu le jour lors de ce mouvement. Pour l'instant cinq initiatives se développent :
- Il y a la caisse de grève qu'il faut renflouer pour les prochaines fois et répartir (les bénéficiaires sont décidés en AGI, pour l'instant 2000 euros sont en train d'être donnés aux cheminots, et 700 ont été donnés aux inculpés des manifestations de Saint-Nazaire).
- Une cantine alimentée par des paysans en lutte se met en place deux fois par semaine, c'est aussi l'occasion de commencer à penser comment ne plus être pieds et mains liés à l'industrie agro-alimentaire et aux supermarchés.
- Un cours de boxe et d'auto-défense a lieu tous les jeudis à 17h, il permettra autant d'apprendre à se défendre physiquement, qu'à bouger, courir ou rester ensemble collectivement pour ne plus paniquer dans les situations d'urgence, dans la rue ou dans les actions.
- Une permanence informatique se tient tous les lundis de 14h à 18h. Elle est là à la fois pour se pencher sur des problèmes plus particuliers et pour se doter de connaissances sur la sécurité informatique, la mise en page et la création d'affiches et de tracts.
- Un atelier vélo a été installé avec tout ce qu'il y a besoin pour faire de la mécanique vélo. Cet atelier est ouvert au moins tous les vendredis à partir 14h.
Voilà pour un début. À l'avenir seront sûrement mis en place une bibliothèque, des cycles de projections, des séminaires, des cours, des lectures, etc.
Une fois par semaine, une assemblée ouverte de la Maison de la Grève discute spécifiquement de l'organisation de tout ceci, et des événements plus ponctuels. Elle se déroule le vendredi à 18h. Puis, les personnes qui décident de s'investir dans telle ou telle initiative se retrouvent pour la mise en place matérielle et effective de ce qui leur tient à cœur.
Espaces et temps de la Maison de la Grève :
Pour faire vivre la Maison de la Grève, et la rendre accessible à tous, plusieurs temps ont été mis en place, ou sont encore en chantier — mais pour peu de temps. Il s'agit là de moments qui permettent de faciliter les rencontres et la coordination entre tous ceux qui s'intéressent à ce projet, que ce soit de manière informelle ou bien avec un objectif précis.
- Salles d'usage : La réquisition de la Maison de la Grève permet de mettre à la disposition de tous ceux qui veulent s'organiser un grand nombre de salles de réunion, ainsi que des espaces de stockage. Nous invitons les groupes ou organisations ayant besoin de locaux à se rendre à la Maison de la Grève, où des plannings d'occupation des salles auront été mis en place. De plus, nous comptons fournir des ordinateurs pour chaque salle de réunion, sur lesquels chaque groupe ou organisation pourra disposer de sa session permanente.
- Cantine : Dans un premier temps, la cantine proposera dès cette semaine deux déjeuners par semaine (les mardis et vendredis à partir de 12h), et deux repas le soir (le mercredi après l'AGI et le vendredi à 20h) où seront cuisinés entre autres les légumes fournis par des maraîchers amis. Non seulement les plats qui y sont servis sont nettement meilleurs que ceux de n'importe quel resto d'entreprise, mais les repas sont au maximum à 3 euros. Cela permet des déjeuners économiques, bénéficiant à la lutte au lieu d'engraisser Sodexho et consorts, tout en facilitant les rencontres autour de grandes tablées. Pour ceux qui le souhaitent il est possible de venir cuisiner en s'inscrivant au tableau blanc qui se trouve à l'intérieur de la cuisine.
- Apéro/accueil : Une fois par semaine, un moment informel sera consacré à la rencontre et à la prolifération des discussions, autour d'un verre. Ce sera aussi un moment de plus grande disponibilité à l'égard de tous ceux qui cherchent à découvrir la Maison de la Grève et son fonctionnement, dans un objectif de coordination et de renforcement mutuel, ainsi qu'une des nombreuses occasions de passer du bon temps.
- Initiatives : La Maison de la Grève est ouverte à toute proposition d'organisation de soirées, concerts, projections, débats, etc… qui rendent un lieu vivant tout en permettant à ces initiatives de se faire connaître. Toute personne ayant une proposition à faire est invitée à venir participer à l'AG de la Maison de la Grève (tous les vendredis à 18h), afin d'organiser les modalités pratiques d'accueil de ces initiatives.
Maison de la grève, rue de la Barbotière à Rennes