Paris: Don Quichotte, le retour du Jedi |
in "Le Monde libertaire" n°1461 du 18 au 24 janvier 2007.
Don Quichotte, le retour du Jedi
C’est parti, on entre dans l’année des élections. Les promesses électorales affluent déjà dans les voeux de nouvelle année. L’action médiatique qui consiste à rassembler des SDF quai Jemmapes en y ajoutant quelques personnes médiatiques et quelques bourgeois a fonctionné. Devrions-nous nous réjouir ? Bien sûr que non. Ce qui a marché c’est le tsunami médiatique, l’hypocrisie et le foutage de gueule.
Le jeu de loi
La charte des enfants de Don Quichotte à fait l’unanimité. Tout l’échiquier politique est unanime, il faut loger les SDF. Rappeler la loi n’est pas dans nos habitudes, pourtant nous sommes forcés de constater que des lois existent déjà et que si les politiques voulaient s’intéresser aux sans-abri, ils pourraient commencer par les appliquer. D’une part il y a la loi SRU qui consiste à imposer aux communes 20 % de logements sociaux. Problème : les maires de villes riches préfèrent payer des amendes plutôt que voir débouler des pauvres dans leurs rues : communautarisme de classe...
D’autre part, la loi de Réquisition (permettant au « représentant de l’État dans le département » de réquisitionner des locaux à usage d’habitation vacants) mais bien sûr, bien qu’existante, son application fût exceptionnelle, droit de propriété exige !
La farce du dindon
Villepin fort sensibilisé au problème du logement, lui-même logé dans un hôtel (Matignon tout de même) n’a écouté que son courage et s’est senti de son devoir de légiférer à nouveau sur ce problème. De plus un de ces députés a sous le coude une proposition de loi instituant un droit au logement opposable. C’est au poil !
Le dindon de la farce
Ainsi, les personnes dont le maire ne peut leur trouver un logement pourront se retourner contre l’État devant un juge administratif. Sous réserve de l’acceptation par une commission de conciliation bien entendu. Mais bien sûr, quand t’es à la rue, tu n’as que ça à foutre d’aller devant le juge dans une procédure longue où tu dois raconter ta vie pour émouvoir l’infâme auditoire qui habituellement passe son temps à moraliser et culpabiliser les pauvres. Et quand bien même, combien de temps entre la commission, le juge et la décision ? Et pendant ce temps, on fait quoi ?
Silence, ça tourne !
Pendant tout ce mouvement médiatique, l’association des enfants de Don Quichotte a eu la main mise sur les quais. Veillant à la « bonne image » pour les médias. Pauvres mais pas sales quand même ! Et surtout ne pas crier sa rage ou son désespoir. C’est tout le problème de ces associations se sentant l’âme charitable (Alléluia !) voulant aider les plus pauvres, pour se donner bonne conscience, mais sans toute fois accepter une société débarrassée des rapports de domination.
Acte final
Enfin dernière scène du grand spectacle, on entend dans les médias le leader de ce mouvement se féliciter de cette victoire et hurler dans un mégaphone que l’on peut replier bagages ! Plier bagages, mais pour aller où ? Lui a un avion à prendre pour l’Afrique du Sud. Les sans-abri, eux, n’ont pas replié les tentes et comptent bien les garder encore un peu, dans l’attente de voir les logements promis.
Épilogue
Si ce mouvement a su révéler le problème lié au logement ainsi que, dans une moindre mesure, celui de la précarité, en aucune façon il n’en a dénoncé les causes. C’est là où le pseudo consensus politique autour des SDF laisse dubitatif. Quand Sarkozy promet « zéro SDF » si on veut bien le croire, on imagine déjà les camps à l’image de ceux de rétention pour les sans-papiers... Ce mouvement n’est qu’une farce préélectorale. Le leader du mouvement l’affirme très bien lui même : « Régler le problème du logement avant la présidentielle [...] Cela redonnerait confiance dans les gouvernants. », in 20 minutes. Sans commentaires.
Dit papa, pourquoi y’a des pauvres ?
La bourgeoisie a conquis le pouvoir en 1789 et a su le garder grâce d’une part à la propriété privée et d’autre part à la hiérarchie sociale fondée, en partie, sur les revenus. Ainsi, le patron possède les outils de production, il légitime donc sa domination sur « ses » salariés de part le fait qu’il est le propriétaire de l’entreprise. Il est à noter que ces outils ont eux-mêmes été réalisés par des salariés...
De même, un propriétaire de logement exige un loyer (fixé à son bon vouloir) à « ses » locataires. Ainsi il peut vivre de l’accumulation des biens qu’il a acquis, il vit du fait qu’il est un propriétaire. Il est à noter que ces logements ont eux-mêmes été bâtis par d’autres salariés, eux-mêmes locataires... La bourgeoisie possède tout, elle est ainsi en position de force, ce qui lui permet un contrôle sur tout ce qui se fait dans la société. De plus, elle peut compter sur l’État, pour lui permettre de veiller à son droit de propriété et à faire usage de la force (police, appareil judiciaire, prison, armée) quand cela est nécessaire. Les partis ne veulent qu’accéder au pouvoir, ils ne peuvent exister qu’en gardant un fonctionnement de classe. Non seulement on ne peut compter sur eux, mais en plus ils veulent nous faire croire à une possibilité de changement. Tout cela est un leurre et l’égalité sociale sonnerait l’heure de leur destitution.
Ni parti ni enfant de machin, mais on fait quoi ?
Les associations telles que celle qui s’est illustrée quai Jemmapes, avec son lot de soutien people se veut le porte-voix des sans-abri alors qu’elle est totalement déconnectée de ceux qu’elle dit représenter. Comment pourrait-elle aspirer à émanciper les plus pauvres alors que ses « militants » vivent pleinement de ce système ? Ce sont les exploités en s’organisant qui seront à même de porter leurs revendications, de mener leur combat, sans avoir des « régulateurs » n’aspirant au mieux qu’au réformisme.
La réquisition des logements vides
Depuis plus de vingt ans, le nombre de logements vacants oscille autour de 2 millions d’unités, Paris comptait lors du dernier recensement 136 554 logements vacants, soit un logement sur dix. Autrement dit de quoi loger ou reloger la quasi-totalité des sans-abri et mal-logés. Mais bien sûr, les propriétaires de ses logements ont d’autres projets ! Ainsi, les entreprises publiques et administratives, pour ne citer qu’elles, se dépouillent-elles de leur patrimoine immobilier au plus offrant (France Télécom, SNCF, CAF, EDF...). La question des logements d’urgence apparaît ainsi bien hypocrite.
Le partage des richesses
Les richesses ont toujours été aux mains de la bourgeoisie. Celle-ci, qui nous exploite déjà au travail, vivant de l’immobilier et des biens de consommation, décide de ce qu’elle veut bien reverser et à qui. Bien évidemment, elle s’octroie la plus grosse part des richesses et nous laisse discuter le bout de gras. Or ce droit qu’elle s’est donné n’est en aucun cas légitime. Comment justifier qu’une minorité puisse se garder les richesses produites par tous ? La terre appartient à tous, c’est donc à tous que doit revenir ce qui est produit. Chacun doit pouvoir subvenir à ses besoins. C’est ça l’égalité économique et sociale.
D’jo (groupe Claaaaaash)