MASS-MÉDIAS : La police de Montréal refuse de chasser les squatters!
BOURQUE SOUHAITAIT UNE INTERVENTION DES FORCES DE L'ORDRE La police refuse de chasser les squatteurs
Par ÉRIC TROTTIER [La Presse]
Contrairement à ce que le maire Bourque laisse entendre depuis deux jours, la
Ville a bel et bien demandé au Service de police de la CUM d'intervenir pour
déloger la quarantaine de squatteurs du centre Préfontaine, dans l'est de
Montréal. Mais la police a refusé parce qu'elle estime que les raisons
invoquées par la Ville ne tiendraient pas devant un tribunal.
Voilà ce qu'a appris La Presse hier auprès de plusieurs sources tant à la
police qu'à la Ville de Montréal. "Oui, la Ville a demandé à la police
d'intervenir, a confié un membre de l'administration Bourque, qui a demandé à
conserver l'anonymat. Mais le Service de police nous a répondu qu'il ne
disposait pas des moyens légaux pour intervenir, parce que les squatteurs ont
été invités par le maire à s'installer au centre Préfontaine. Le résultat,
c'est que tout le monde attend maintenant un prétexte légal qui permettra
d'évacuer le centre pour de bon."
Selon nos informations, le Service de police avait décidé dès vendredi dernier,
soit quatre jours avant l'échéance de l'ultimatum donné par le maire aux
squatteurs, qu'il n'y aurait pas d'évacuation forcée des lieux.
"Je ne peux infirmer ni confirmer ça, mais c'est sûr qu'il y a eu des
discussions avec la police", a déclaré le maire Bourque, manifestement mal à
l'aise lorsque La Presse l'a interrogé hier en fin de journée.
Depuis mardi, le maire ne cesse de répéter qu'il ne voulait pas faire appel aux
policiers et à la violence pour déloger les squatteurs. Hier, il a précisé
avoir mandaté la conseillère Claire Saint-Arnaud, membre du comité exécutif de
la Ville et vice-présidente de la commission de la sécurité publique de la CUM,
pour entreprendre des démarches au cours des derniers jours auprès des
policiers. "Il ne s'agissait pas d'une demande formelle, mais d'exploration, a
nuancé une autre source impliquée dans le dossier. La Ville voulait identifier
les moyens légaux qui pouvaient justifier une intervention policière, mais la
police n'en voyait tout simplement pas."
Pourquoi? Parce que, d'une part, la Ville a officiellement invité les
squatteurs à venir habiter rue Rachel au début du mois d'août. L'idée, à ce
moment, consistait à les faire abandonner un autre squat, à l'îlot Overdale,
considéré dangereux.
La Ville et les squatteurs ont alors signé une entente, écrite à la main, qui
demeure floue sur les délais, ne contient pratiquement pas de contraintes pour
les squatteurs, mais qui stipule que ces derniers peuvent demeurer au centre
Préfontaine aux frais de la Ville.
Le reste, par exemple les conditions imposées par la Ville, a fait l'objet
d'une entente verbale survenue dans les jours suivants.
Dans les circonstances, pour la direction du Service de police, qui a passé les
derniers jours à consulter son bureau du contentieux, les arguments juridiques
justifiant l'évacuation de l'immeuble sont pour ainsi dire inexistants. Pour
permettre une intervention policière, il faudrait démontrer que les squatteurs
commettent des actes criminels. "La police sera prête à intervenir quand nous
aurons découvert une infraction majeure", a admis le maire, hier.
Sans infraction majeure ou en l'absence d'actes criminels, la Ville doit
maintenant faire comme tout propriétaire aux prises avec un locataire
indésirable: obtenir un jugement d'un tribunal ordonnant l'expulsion, une
procédure hasardeuse qui peut s'avérer longue et coûteuse.
Le maire Bourque a d'autre part une fois de plus demandé aux squatteurs, hier,
d'abandonner les lieux. Les pompiers et les inspecteurs de la Ville ont analysé
l'ensemble de l'immeuble depuis deux jours, mais rien permettant d'ordonner une
évacuation n'a été décelé. Selon la police, aucun incident n'est venu non plus
perturber les activités des squatteurs, dont plusieurs ont passé la journée à
faire du jardinage et à discuter avec leurs voisins.
On a demandé au maire si ce problème commençait à nuire à sa campagne
électorale, comme une sorte de patate chaude: "Hmm, ça dépend des jours",
a-t-il soupiré.
-Avez-vous perdu la maîtrise de la situation?
- Pas du tout, pas du tout! Je me sens au contraire très serein. J'ai toujours
agi en mon âme et conscience. Ce n'est quand même pas la première crise que
notre société vit. Et puis moi, je suis là pour gérer la ville; il ne faut pas
s'énerver avec ça..."