Marseille : réveillon à coups de matraque ...ET DE LACRYMO


Marseille : réveillon à coups de matraque ...ET DE LACRYMO

Marseille, le mardi 31 décembre 2002, en fin d'après-midi. Petite balade sur le vieux-port, pour profiter des derniers rayons de soleil de 2002. En face de la mairie, le bateau-restaurant "Le Marseillois" est investi pacifiquement par une cinquantaine de pirates costumés (palmes, chapeaux, cotillons, maquillage), qui distribuent gratuitement du punch-coco aux passants amusés. Ils ont installé une banderole sur le grand mât : "pour un monde sans argent". Quelques policiers arrivés sur les lieux à la demande du restaurateur invitent les squatters à débarrasser le plancher.

L'évacuation semble se passer sans heurt et la plupart des pirates sont redescendus sur le quai, lorsqu'une bagarre éclate. Sans pouvoir déterminer les causes de l'échauffourée, une centaine de témoins voient les policiers, restés sur le pont du bateau, arroser généreusement de lacrymogène et de coups de matraque quelques "pirates" déjà sur le quai (précision importante, car cela signifie qu'ils avaient déjà quitté le navire). Pendant ce temps, le gros des troupes s'éloigne des quais dans le calme le plus complet. Arrivent les renforts, et c'est une vraie chasse à l'homme qui se déclenche. Des voitures font crisser leurs pneus comme dans les films de gangsters, de nombreux policiers surexcités hurlent et courent dans le désordre le plus complet, comme s'ils recherchaient un Mesrine. La scène serait cocasse si elle s'arrêtait là. Un peu plus haut dans le quartier du panier, une interpellation vient de se dérouler. Un pirate est à terre, maîtrisé par des "gardiens de la paix". Il a le visage en sang. Un autre est assis, menotté et tenu en respect par une fonctionnaire de police. Il me fait comprendre qu'il a perdu ses lunettes pendant l'interpellation. Alors que je prends des photos, la fliquette très énervée s'approche de moi, m'intime l'ordre de détruire mon film. Je refuse et sors ma carte de presse, qu'elle scrute d'un oeil courroucé, mais cela ne suffit pas. Elle sort les menottes et me menace de 24h de garde à vue si je ne détruis pas ma pellicule. De guerre lasse, jouvre mon boîtier et expose mon film à la lumière, avant de le jeter par terre. Cela ne suffit pourtant pas pour la brave dame, qui ramasse la pellicule et la déchire consciencieusement !

Le lendemain, un soi-disant journaliste de la Provence - qui n'était même pas sur les lieux et a probablement pris ses infos au commissariat - écrira que les pirates étaient "visiblement éméchés". N'importe quel témoin de la scène aurait pu jurer au contraire que c'étaient les policiers marseillais qui étaient ivres ce jour-là, sinon d'alcool (quoique... ) du moins de rage. Pour ma part, c'est la seconde fois qu'un agent de la force publique me force à détruire mon film après que j'ai surpris une intervention trop musclée. Je trouve que c'est deux fois de trop. Mais je ne devrais pas me plaindre : sans carte de presse, j'aurais sans doute réveillonné au trou.

Publié originellement sur Hacktivist News Service: http://hns.samizdat.net/article.php3?id_article=2126

margranger <margranger@caramail.com>


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