Lausanne: Pousser les toxicomanes vers l'Espace autogéré... quelle mouche à donc piqué la municipalité? |
Pousser les toxicomanes vers l'espace autogéré: quelle mouche à donc piqué la municipalité?
En matière de politique anti-drogue, le trou du M2 est une opportunité qui tombe à pic: le chantier qui a suivi a en effet obligé les toxicomanes, marginaux-ales et autres indésirables de notre société de consommation à délaisser le parvis de l'église St-Laurent. Dans les hautes sphères politiques, on espère bien saisir cette occasion pour qu'ils/elles n'y reviennent jamais. Sous la pression de ces commerçant-e-s, la municipalité de Lausanne a commencé par supprimer le banc circulaire de la rue de l'Ale, où tous-tes les « indésirables » se sont installé-e-s. Dans la lancée, elle annonce par voie de presse que les toxicomanes seront fermement prié-e-s de se déplacer vers la promenade de la Solitude à César-Roux. Une politique de harcèlement policier appliquant la tolérance zéro est censé convaincre les réticent-e-s à se déplacer vers ce nouveau lieu.
Cacher cette misère que l'on ne saurait voir
Depuis quelques années, inspirée par les idéologies
sécuritaires qui veulent faire place propre dans les zones
commerciales, les autorités s'évertuent à trouver des
pseudo-solutions pour contenir la population marginale
trop visible au centre-ville. Elles s'appuient pour ce
faire sur le néologisme d' « incivilités », terme qui
permet de criminaliser à peu près tout et n'importe quoi
aux yeux de l'opinion sans avoir besoin de définir de quoi
il s'agit.
Le milieu des années 1990 a ainsi été marqué par une
succession d'opérations policières qui ont appliqué une
véritable diversité de tactiques: rafles massives, chasse
aux dealers (qui s'est principalement concentrée sur une
chasse au faciès), mise sur pied de sociaux-flics (d'abord
des policier-e-s eux-elles-mêmes, puis des médiateurs-trices
au rôle ambigu) et introduction d'interdictions de
périmètre. Parallèlement, la Soupe populaire a été reléguée
de la place St-Laurent à la Riponne, puis dans des locaux
décentrés (St. Martin).
Bref, à défaut d'avoir pu s'attaquer aux causes, on s'en
est pris aux effets visibles. Il est vrai que pour une
capitale olympique tout est question d'image, on ne saurait
tolérer des tâches sombres sur la citymap, et comme on nous
le martèle depuis une législature: la propreté c'est la
sécurité.
Seulement voilà, à force de mettre la poussière sous le
paillasson, celui-ci risque de finir par se soulever.
Toxicomanes – lieux alternatifs : d'une pierre, deux coups
Le choix de la municipalité de pousser les toxicomanes vers
la promenade de la Solitude où elle leur fait miroiter une
certaine marge de tolérance n'est pas innocent. Le choix
officiel qui motive ce déplacement (la proximité du Centre
St-Martin et des nouveaux locaux de la Soupe populaire)
n'est il pas une politique claire de « ghetto »? Il se
trouve aussi que ce parc jouxte les locaux et le jardin
de l'espace autogéré. Il ne se trouve également qu'à
quelques centaines de mètres du centre culturel Chien Rouge.
On voit déjà venir gros comme une maison l'amalgame
alternatifs = drogués.
Faut-il rappeler le rôle des drogues dures dans la lutte
des autorités contre les lieux de contestation? Au début
des années 1980, le centre autonome de Lôzane Bouge a ainsi pourri de l'intérieur avant qu'une descente de police ne
vienne lui donner le coup de grâce. A Berne ou à Genève
aussi, la police a souvent repoussé le deal et les
consommateurs/trices autour des centres alternatifs,
laissant à ces derniers le soin de se débrouiller tant bien
que mal avec cette population.
Mais la Municipalité a negligé certaines autres paramétres
car le quartier de César-Roux compte également un nombre
considérable d'habitations ; de plus, le square en question
est très prisé des gymnasien-ne-s du Bugnon et de la Cité
qui viennent y prendre leur pique-nique.
La prévention c'est la répression
On rit presque lorsque la municipalité prétend coupler
prévention et répression, à moins qu'elle n'entende par là,
comme l'affirmait récemment un chef de police, que « la
répression est une forme de prévention », dans quel cas on
ne peut évidemment plus opposer aucun argument rationnel.
Peu importe si les mesures sont jugées inadéquates par les
spécialistes du terrain ; quant aux personnes concernées en
premier lieu et regroupées sous le nom générique
de « toxicomanes », on ne leur a tout bonnement pas
demandé leur avis.
Le communiqué alarmiste de la municipalité semble donc bien ne répondre qu'à une chose: aux récriminations de quelques commerçant-es, qui semblent avoir la main longue. Le dossier de l'« incivilité » est très clairement utilisé à des fins politiciennes et populistes et les personnes toxicomanes en font les frais en étant désignées comme bouc-émissaire. On aurait pu s'attaquer aux incivilités des conducteurs-trices irrascibles aux heures de pointes, à la forme de dégénérescence de la prétendue civilisation que constitue l'ouverture nocturne des magasins (ou leur ouverture tout court), à la pollution visuelle exercée par la publicité qui envahit le moindre recoin de l'espace public, etc. Mais cela aurait certainement été moins porteur pour les élections qui se profilent...
Espace autogéré de Lausanne