Grenoble: Pourquoi nous occupons la maison du 8 rue Germain |
Pourquoi nous occupons la maison du 8 rue Germain à Grenoble
Depuis des mois, voire, pour certains des années, des adultes, des enfants, des personnes âgées, parfois malades, dorment dans la rue, sous tente, dans des cabanes, dans des voitures, à l’air libre. Ils sont français ou étrangers. Certain/es sont demandeurs/euses d’asile et l’État ne les loge pas, comme il en a pourtant l’obligation. D’autres ont des enfants que le Conseil général ne protège pas toujours, alors que ça fait partie de sa mission. D’autres enfin construisent des abris de fortune; il se trouve des maires pour appeler la police et les faire expulser.
Malgré leurs responsabilités en la matière, l’État et les collectivités territoriales n’ont pas pris la mesure de cette urgence sociale, de ce besoin élémentaire : avoir un toit.
Pire, concernant les Roms, une chasse à l’homme est régulièrement organisée en France – comme à St Martin d’Hères, la Tronche, Grenoble-Stalingrad ou récemment encore à Toulouse –, avec grand déploiement policier, chiens, bulldozers, hélicoptères parfois, et expulsion à la clé.
Cette barbarie ne vous rappelle rien ?
C’est pourquoi, devant l’inertie et la violence des autorités, nous avons choisi de « réquisitionner » des logements vides.
Depuis novembre, une maison laissée vacante par le Conseil général à St Martin le Vinoux est occupée par des familles roms jusque là sans abri. Depuis, les responsables de l’hébergement sur l’agglomération leur demandent d’effectuer des « démarches comme tout le monde » pour obtenir un logement, mais toutes les portes leur restent hermétiquement closes. La Patate Chaude, qui accompagne les habitants dans leurs démarches « comme tout le monde », est au quotidien témoin de la violation de l’égalité de traitement des dossiers, par discrimination ethnique, de la part des institutions.
Aujourd’hui, nous participons à l’occupation rue Germain d’une maison, vide depuis au moins un an, et qui reprend vie sous l’impulsion des familles qui s’y installent. Elle appartient à une société privée de Montbonnot, la SAFILAF, qui veut la raser pour construire une résidence para-hôtelière. Nous constatons que de nombreux habitants du quartier sont hostiles à ce projet, et viennent témoigner de leur solidarité à leurs nouveaux voisins.
La SAFILAF est un promoteur très implanté sur l’agglomération grenobloise. Outre sa participation au capital de la SDH (Société dauphinoise de l’habitat, bailleur social), il est présent sur le créneau porteur de la défiscalisation « loi Scellier ».
Le mécanisme est simple :
* On construit des immeubles d’habitation à environ 4 000 euros le m2, soit 280 000 pour un T3.
* On revend les appartements à des investisseurs (a priori des catégories plutôt aisées ou très aisées de la population).
* Ceux-ci se font financer leur acquisition :
jusqu’à 30 % par l’État (crédits d’impôts = autant de recettes publiques en moins pour le social) ;
environ 50 % , voire plus par les locataires (loyer de plus de 1 000 euros par mois pour un T3).
Alors, une question : où vont se loger ceux qui ne peuvent payer de tels loyers ? Certainement pas dans ces juteux programmes privés (39% de rentabilité financière en 2009 pour la SAFILAF), et encore moins dans une résidence hôtelière où les loyers sont encore plus élevés.
Quant au logement social, il est insuffisant en nombre, et pris d’assaut. En outre, leurs loyers sont maintenant souvent inaccessibles aux plus bas revenus. Ainsi, les bailleurs dits « sociaux » entrent eux aussi dans des logiques financières qui excluent la partie de la population la plus précarisée du logement social. Il ne reste donc que les opérateurs de logement dit « très social », dont le nombre reste ridiculement peu élevé (10% du logement social).. C’est ainsi qu’on assiste régulièrement à des expulsions des logements sociaux, y compris de ceux de la SDH, contrôlée entre autres par la SAFILAF.
Par ailleurs, des entreprises, dont le logement est le fond de commerce, n’ont aucun intérêt à ce que les locaux vacants soient réquisitionnés. En effet, l’existence de bâtiments vides et de personnes sans abri sont pour elles une garantie de forte rentabilité de leur activité, selon la logique de l’offre et de la demande. Elles font donc du profit dans un domaine qui relève des droits humains fondamentaux. Même si elles trouvent cela légitime, et pensent même se dédouaner en construisant aussi du logement social, nous n’avons aucune illusion, ni sur leurs motivations, ni sur l’impact de leur activité sur la question du logement en général.
C’est pourquoi nous occupons un bâtiment appartenant à la SAFILAF et réclamons sans relâche que l’État prenne ses responsabilités pour le logement des plus démunis en mettant en œuvre ses lois de réquisition.
Nous demandons donc aux pouvoirs publics, État et collectivités territoriales :
* de donner une vraie priorité au logement des sans abri ou mal logés
* de procéder d’urgence à la réquisition des logements vacants
Le collectif « la Patate chaude »