Freiburg: Répression massive contre le festival anarchiste "DIY against the State" |
Malgré un bon début, avec l'arrivée d'environ 300 participant·e·s de divers pays d'Europe et la mise en place d'un campement autogéré sur un terrain occupé, la police est vite entrée en scene pour saboter l'initiative. L'escalade répressive a commencé avec une première provocation policière, et l'arrestation d'un participant devant le KTS, alors qu'un concert s'y déroulait; elle s'est poursuivie avec l'expulsion du campement par quelques 500 flics anti-émeute le lendemain, pour arriver à son point culminant le samedi, avec un vérouillage total du centre-ville, la police pourchassant, immobilisant, contrôlant, photographiant, arrêtant des manifestant·e·s à travers les rues toute l'après-midi, pour empêcher la tenue d'une « Reclaim The Streets ». Bilan: une soixantaine d'arrestations, 7 personnes blessées dont une gravement, et 3 personnes poursuivies pour des accusations fantaisistes).
Photos de l'expulsion du campement:
http://de.indymedia.org/2006/07/153408.shtml
http://de.indymedia.org/2006/07/153443.shtml
Les autorités ont clairement tenté de réduire à néant une initiative autonome, non seulement par l'intimidation de ses participant·e·s, mais également par la destruction de ses structures, et par la criminalisation de l'initiative dans son ensemble. Il est judicieux de noter que la ville de Freiburg est bien connue pour être la plus "à gauche" d'Allemagne, le parti des Verts étant à la tête de la municipalité. Ces derniers jours ont cependant eu le mérite de rendre évident, pour celles & ceux eux qui en doutaient toujours, que les politiques institutionnelles prétenduement "alternatives" savent très bien s'accomoder de la répression la plus grossière, allant jusqu'à mettre une ville dans un état de siège policier pour en éliminer le droit à la manifestation & à l'autodétermination, dès lors que la question du (manque de) contrôle par les autorités est en jeu. Ce qui semble vérifier le propos des organisateurs de l'événement - lorsque l'Etat essaie d'écraser les initiatives DIY, n'y a-t-il pas d'autre solution que de s'organiser en... DIY contre l'Etat?
Contexte
Mercredi 26 juillet 2006, des centaines de personnes ont commencé à se rassembler à Freiburg im Breisgau, pour le "DIY Against the state festival": une "convention anarchiste intergalactique" rassemblant squattteureuses, truckers & autres activistes divers·es autour d'un cocktail d'ateliers & discussions, de rencontres & moments de vie collective, de concerts & fêtes, ainsi que d'actions politiques; une occasion de visibiliser les cultures anti-autoritaires et anti-capitalistes qui vivent dans ces espaces; un désir de résister aux répressions que ce type d'initiative rencontre souvent, à Freiburg et ailleurs, le tout dans une éthique & praxis "Do It Yourself".
Les présentations et débats incluaient les thèmes suivants : entraînement à l'action médicale de rue, stratégies d'action directe, la tenue de conférence de l'Action Mondiale des Peuples http://pgaconference.org/ cet été en France, la préparation d'un camp anti-G8 http://camp06.org/ en Allemagne, les squats http://krakengaatdoor.nl/ à Amsterdam, des échanges internationaux intersquat, la répression http://karcelona.revolt.org/ à Barcelone, les événements en France au printemps 2006, la Queeruption http://queeruption.org/ à Tel-Aviv, et énormément d'autres choses.
Le festival devait être accueilli par plusieurs initiatives locales, dont le KTS (un centre social de la gauche radicale), le Schattenparker (un "wagenburg" - composé de maisons sur roues, de camions et de vans), et du Susi (une coopérative d'habitation autogérée).
Les Faits
Mercredi 26 - tout commence bien
Le festival s'est déroulé sur un morceau de terrain squatté pour l'occasion, jouxtant Schattenparker, sur lequel ont été installé·e·s des structures de cuisine végétalienne, un point info, des tentes pour ateliers, ainsi qu'un ensemble éclectique de tables de presses, coin badges DIY, espace de réparation de vélos, & d'autres choses encore. Le nombre de tentes, de camions et de véhicules a continuellement augmenté, jusqu'à atteindre le nombre d'environs 300 participant·e·s.
jeudi 27 - Et les revoilà
Malheureusement, la police se devait d'entrer en scene, pas plus tard que le second jour du festival, jeudi 27. Alors qu'un concert avait lieu au KTS, la police ramena sa fraise et arrêta une personne en face du lieu, l'accusant de graffiti. C'est tout naturellement que les témoins de la scene s'interposèrent, essayant d'entamer une négociation avec les flics, sans succès. Ces derniers répondirent par l'appel à des renforts, armés de chiens & de batons, pour disperser les personnes rassemblées, de plus en plus nombreuses à encercler la voiture de police et à l'empêcher d'embarquer l'accusé. La tension monta vite, et quelques bouteilles volèrent en direction de la flicaille, accompagnées de slogans et d'une colère croissante. Quelques vitres de véhicules policiers disparurent dans l'histoire, et un policier fut manifestement blessé sérieusement par un éclat de verre. La situation devenant incontrôlable, la police se retira precipitamment, brièvement poursuivie par la foule en colère, sans que celle-ci ne parvienne cependant à libérer l'interpellé.
Ce devait être le premier & unique incident, qui servirait d'excuse à toutes les exactions policières à venir. Comme si leur première provocation n'avait pas suffit, les flics furent de retour une heure plus tard, en grand nombre et en tenue anti-émeutes, pour boucler le secteur et contrôler quiconque entrait ou sortait du KTS, et finir par charger, vers 5h du matin. Les personnes rassemblées autour du KTS, qui avaient monté une barricade pour se protéger d'un éventuel assaut policier, eurent juste le temps de se retrancher dans le bâtiment vérouillé. Celui-ci se trouva complêtement encerclé, et alors qu'une expulsion semblait imminente, la police quitta les lieux, laissant des gens sonnés par une première nuit d'agression inattendue.
Vendredi 28 - balayé·e·s? pas tout à fait!
La trêve ne dura cependant que quelques heures, la police faisant de nouveau son apparition, cette fois sur le campement. Alors que des ateliers se déroulaient en divers points de la ville ce vendredi après-midi, quelques 85 vans de police se dirigèrent vers le camp, pour qu'environ 500 flics en bloquent les accès et l'expulsent. Les occupant·e·s durent ranger leurs affaires & démonter leurs tentes précipitemment, sous le regard appuyé des policiers, filmant toute l'opération. Dans la précipitation, les présent·e·s essayèrent de rassembler les nombreux effets personnels & tentes des personnes situées à l'extérieur, mais ne purent les mettre en sécurité dans le wagenplatz, la police les en empêchant. Police qu'on put voir, un peu plus tard, jeter les affaires restantes - sacs à dos, tentes, etc. - à la poubelle, sans que quiconque ne puisse les récupérer. Les personnes présentes sur le camp furent systématiquement contrôlées & photographiées à leur sortie, les participant·e·s étranger·e·s se voyant de plus délivrer une interdiction temporaire de présence dans la ville.
L'expulsion n'était pas terminée qu'il était clair que la police mettait tout en oeuvre pour arrêter le festival, en détruisant ses structures, en le criminalisant par l'envoi d'un nombre de policiers complètement disproportionné pour expulser un camp sur lequel aucune résistance n'était possible, en intimidant ses participant·e·s par le fichage & la menace de détention pour les étranger·e·s qui décideraient de rester, en instrumentalisant une échauffourée que la police avait elle-même provoqué dans son entêtement. Alors que partie des participant·e·s quittait la ville avec dégoût, d'autres se regroupaient au KTS & à Susi, tous deux ouvrant leurs portes comme refuges face à cette spirale répressive ahurissante. Alors qu'une assemblée révélait que le KTS comme le Schattenparker avaient reçu des menaces de la municipalité après l'intervention policière de la veille, il devenait évident que le "DIY..." se devait de continuer, étant impensable de donner aux autorités ce qu'elles voulaient - la mise en pièce de l'évènement. Ce vendredi soir fut à la fois calme & intense - pas de concert, mais de longues discussions, et une détermination certaine.
Samedi 29 - réapproprions-nous ces rues qu'ils ne cessent de nous voler!
Le lendemain, samedi 29, était le jour de la "Reclaim The Streets" - fête de rue dans la ville, largement annoncée. Tous les véhicules acheminant sound-system & équipement furent immobilisés par la police, et divers groupes de gens convergeant vers le centre furent vite bloqués également. Un groupe d'une centaine de manifestant·e·s parvint cependant à s'échapper en courant sous un pont et en traversant l'eau, pour être poursuivi dans les rues, jusqu'à ce que la police ne parvienne à scinder le groupe en deux, puis en plus petites unités s'échappant dans diverses directions, cherchant à rejoindre le Théâtre, point de rendez-vous officieux de la "Reclaim The Streets". Un groupe important de samba & pink bloc réussit à s'y rendre et commença à jouer, mais finit par être complètement encerclé par la police, à la surprise de nombreux·ses passant·e·s stupéfié·e·s, alors que de plus petits groupes se voyaient piégés par les flics dans toute la ville, dans un nouveau déploiement de force saisissant. Quiconque traversait le centre-ville ne pouvait que voir des flics & autres véhicules policiers, ainsi que des groupes de 5 à 50 manifestant·e·s aligné·e·s contre des murs, contrôlé·e·s et photographié·e·s une nouvelle fois, pour avoir commis le crime de marcher en groupe.
Certain·e·s réussirent cependant à mener quelques actions décentralisées: un groupe mis en place une piscine & un jeu de casino accompagnés de banderoles devant la cathédrale; d'autres dessinèrent les cadavres de la liberté & de l'auto-détermination tout autour de Bertholdsbrunnen, une fontaine située au centre de Freibourg; un troisième groupe traversa les rues piétonnes en dansant le tango avec les passant·e·s. Cependant, la plupart des manifestant·e·s resta captive durant des heures au Theatre, en face de l'université. Une par une, les personnes étaient extraites du cercle policier, avec plus de violence à mesure que le temps passait, contrôlées & photographiées une fois de plus, et relâchées, ou emmenées au commissariat, selon qu'un ordre d'expulsion leur avait été délivré ou non le jour précédent. Au final, plus d'une soixantaine de personnes furent arrêtées ce samedi, et libérées dans la nuit, après des heures de garde à vue. Au moins trois d'entre elles furent accusées de délits montés de toute pièce, et ne furent libérées qu'après versement de cautions allant de 200 à 300 euros chaque, en attente de leur procès. Au moins sept personnes furent blessées par la police, l'une d'entre elles nécessitant des points de suture, mais étant conduite au commissariat, et non à l'hopital. Lourd bilan, une nouvelle fois, et ce d'autant plus quand l'on considère que rien ne s'est passé - rien, sinon des gens qui marchent dans la rue, jouent de la musique, et chantent quelques slogans.
Vers Dimanche 30 - actions décentralisées
Des actions de solidarité furent menées dans la nuit, dont: un barrage filtrant à la sortie de Freibourg, ce qui permis la distribution de centaines de tracts, et une bonne communication avec les automobilistes, dont beaucoup se montrèrent solidaires. L'action fut dispersée par la police après un petit moment, bien entendu. Des tracts furent aussi distribués dans le centre en pleine fièvre du samedi soir, et des affiches collées alentour, afin d'interpeller les freibourgeois·es, et de leur demander si la mise en place d'un état d'exception et de contrôle policier à Freibourg correspondait vraiment à la ville dans laquelle ils & elles souhaitaient vivre. Pendant ce temps, un concert se déroulait au KTS, et les interpellé·e·s sortaient un·e à un·e de garde à vue, alors que de mauvaises nouvelles arrivaient du Schattenparker, alors complètement encerclé par la police, menaçant de pénétrer le site si quelque activité publique s'y tenait. Dimanche 30, d'autres actions donnèrent l'occasion aux participant·e·s au "DIY Against" d'exprimer leur indignation: un groupe d'une vingtaine de clowns encercla la mairie avec des banderoles & nez rouges, mais fut vite rejoint par des dizaines de vans de flics, offrant l'encerclement, le fichage & la bonne compagnie habituels. Cependant, un parc fut occupé l'après-midi, jusqu'à 10h du soir, pour un concert sauvage avec deux groupes, qui, étrangement, se déroula sans encombres. Pendant ce temps, quelques derniers ateliers se déroulaient au KTS, la nuit se terminant sur des projections de documentaires activistes & une fête de cloture.
Et maintenant?
Le "DIY against..." est maintenant terminé - plusieurs jours de terreur policière, mais aussi de résistance, lors desquels des centaines de personnes se sont insurgées et ont refusé d'obéir, poursuivant le festival - et affirmant leur légimité contre la légalité, pour tou·te·s ceux & celles qui décidèrent de rester, malgré l'ordre de quitter la ville leur ayant été adressé.
Il est a noter que la ville de Freibourg est bien connue pour être la plus "à gauche" d'Allemagne, la municipalité étant dirigée par le parti des Verts. Ces quelques jours auront au moins le mérite d'avoir montré à qui en doutait encore que les politiques institutionnelles supposément "alternatives" s'accomodent fort bien de la répression la plus patente, allant jusqu'à transformer une ville en état de siège policier pour réprimer le droit de manifester, dès lors que le (manque de) contrôle des autorités est en jeu.
Quoi qu'il en soit, voilà qui semble confirmer ce que les organisateurs & organisatrices avançaient - quand l'Etat tente d'écraser les initiatives autonomes & DIY, y a-t-il d'autre solution que de s'organiser de manière autonome en... DIY contre l'Etat?
Réagissons!
Les autorités ont répondu à une initiative autonome en démantelant, en intimidant, en criminalisant, en arrêtant, en frappant. En soi, cela ne serait guère surprenant, si ce n'était de loin l'opération policère la plus importante que Freibourg ait connu depuis des années. De plus, cela semble s'inscrire dans la nouvelle stratégie policière locale, entrée en vigueur à la fin de l'année 2005, lorsqu'un nouveau chef s'est installé à la tête de la police. Voilà qui laisse entrevoir d'effrayantes perspectives auxquelles il se doit de s'opposer, pareille tentative de réduire à néant les mouvements politiques ne pouvant rester sans réponse.
Toute initiative est donc vivement encouragée! Organisez des actions en face des ambassades d'Allemagne, appelez la muncipalité pour exprimer votre indignation, faites circuler l'information et communiquez la gravité de ce qui s'est déroulé!
N'oublions pas non plus que diverses personnes vont se retrouver en procès, et auront besoin de soutien financier. Si vous en avez la possibilité, n'hésitez pas à prendre contact et organiser des évènements de solidarité & de collecte de fonds!
contact: d.i.y.against CHEZ gmx POINT de
Informations complémentaires
KTS
Le KTS est un projet vieux de 12 ans, issu du fort mouvement squat qui s'est développé à Freiburg depuis les années 70, le premier KTS ayant été squatté en 1994. En 1999, après de nombreuses manifestations et deux ans sans centre social de la gauche radicale à Freibourg, la pression de la rue força la mairie à entreprendre des négociations, qui finit par louer un espace à la Deutsche Bahn (compagnie de chemins de fer) pour le collectif du KTS.
Néanmoins, la DB essaya de jeter le KTS hors des murs il y a deux ans, et s'en suivit une interdiction des activités publiques au sein du lieu. Les concerts se sont donc déplacés jusque dans le centre-ville, et furent accompagnés de manifestations massives, dont le point culminant fut une "Love & Hate Parade", à laquelle 2500 personnes participèrent, causant bien du souci à la police, qui craint que les manifestant·e·s ne détruisent la gare en réponse aux menaces de la Deutsche Bahn. Finalement, le contrat fut renouvelé en janvier 2005, et doit arriver à expiration fin 2007.
Au fil des années, le KTS est devenu un point névralgique de la gauche radicale, de la scene activiste & contre-culturelle, non seulement à Freiburg, mais aussi dans toute l'Allemagne du Sud, ce qui en fait une ressource essentielle à défendre & préserver.
Site oueb: http://www.kts-freiburg.org/
The Schattenparker
Le Schattenparker est un "wagenburg" - litéralement, un "village de wagons", soit un ensemble de camions, vans & autres véhicules dans lesquels des gens ont élu domicile, et autour desquels des structures collectives ont été construites, constituant un "village" ou espace communautaire.
L'Allemagne connait une forte tradition de "wagenburg", et ce depuis des années. C'est aussi le cas à Fribourg, bien que le mouvement ait presque disparu il y a quelques années, quand la ville a entrepris d'expulser quasi systématiquement ce type d'installation.
Le collectif Schattenparker n'est pas très vieux, mais tire son nom d'un collectif wagenburg fribourgeois des années 90, connu pour être expulsé à de nombreuses reprises, et systématiquement réoccuper.
Les occupant·e·s actuel·le·s du Schattenparker vivaient sur un site appelé "Obi" jusqu'à fin 2005, qu'illes ont du quitter. Il & elles ont alors tenté d'occupé un nouvel espace, mais en ont été empêché·e·s par la police, qui a confisqué leurs véhicules, les laissant sans maisons en plein hiver.
Après 6 mois de manifestations, la ville leur a trouvé l'espace qu'illes occupent actuellement, et le collectif dispose d'un contrat temporaire, qui arrive cependant à expiration fin août de cette année. Malheureusement, il semble que la ville ne soit pas très encline à aider le wagenburg, et cherche plutôt à se débarrasser de ce type de structures à Freiburg.
À suivre...
Site oueb: http://schattenparker.net/
Un participant parmi d'autres