Echirolles (38): Grève des charges/loyer à la cité Viscose |
« Viscose », c’est le nom d’un textile inventé à Echirolles et de l’usine grenobloise, haut lieu de luttes et de résistance, qui l’a produit jusqu’en 1989. C’est aussi le nom de la cité HLM, aujourd’hui propriété de l’OPAC 38, construite en 1937 à proximité de l’usine pour loger ses ouvriers.
Depuis cet été, les habitant-e-s de la cité, constitué-e-s en association, s’organisent contre des hausses de loyers et de charges. A l’entrée du quartier, le long de la route qui va d’Echirolles à Comboire, plusieurs banderoles déclarent :
« On ne vit plus / charges-loyers trop chers / ça nous exaspère »
« Choisir / se chauffer ou manger... »
« Habitants Viscose / tous unis contre les hausses / loyers charges / avec la CNL »
« Charges trop chères / isolation en carton / charges au plafond »
A première vue, la cité HLM ressemble à un village, avec ses petits bâtiments éparpillés, ses espaces verts animés, ses potagers sauvages. Mais le tableau n’est pas idyllique. Les soucis des habitant-e-s concernent l’isolation limitée des vieux édifices, l’entretien insuffisant des parties communes, la route rectiligne qui coupe le quartier sans ralentisseurs ni chicanes, le manque de locaux pour les jeunes du quartier qui n’ont « que le banc » pour se réunir, l’éclairage public défectueux (« c’est le seul quartier dans toute l’agglo où il fait complètement noir le soir »)... Depuis des années, l’association des habitant-e-s a multiplié les interpellations polies à l’OPAC. Réponses : « nous prenons note »... A l’infini. Le quartier serait-il trop « calme » pour qu’on prenne ses problèmes au sérieux ?
L’année dernière, l’OPAC a réalisé des travaux sans concertation réelle des habitant-e-s : il s’agissait d’introduire le chauffage urbain - et d’en profiter pour augmenter le loyer. Auprès des Viscosier-e-s, dont bon nombre se chauffaient à l’électrique, la promesse d’un mode de chauffage plus économique a fait passer la pilule. Mais en juillet 2009, surprise : l’OPAC envoie des factures où tout a augmenté, y compris le chauffage.
Que signifie cette entourloupe ? Pourquoi la cité Viscose figure-t-elle parmi les cités HLM les plus chères de l’agglo en termes de chauffage (12€ le m2) ? L’OPAC aurait-il omis, en installant le chauffage urbain, des travaux d’isolation essentiels ? La Compagnie de Chauffage, société d’économie mixte dont Dalkia/Veolia est actionnaire à 42%, qui réalise des bénéfices et qui a augmenté ses tarifs de 30% récemment, ferait-elle son beurre sur le dos des chauffé-e-s ? « Désolé-e-s, mais nous n’avons pas les moyens de payer des actionnaires » signale l’association.
Dans l’attente de réponses dignes de ce nom, une partie des habitants a pris l’initiative de bloquer le paiement de la régulation de charges que l’OPAC 38 a sorti de son chapeau en juillet, et qui, selon les foyers, peut atteindre 600€ (découpés en tranches mensuelles de 76€). En réaction, l’OPAC 38 a rapidement accepté de suspendre la régulation pour quelques mois... Ce qui, pour l’instant, équivaut à repousser le problème mais sûrement pas le résoudre.
Début septembre, une réunion s’est tenue entre l’OPAC 38, l’association des habitant-e-s et la ville d’Echirolles. Un membre de l’association résume : « L’OPAC voulait mener la réunion et nous noyer sous des infos techniques. Ils venaient nous raconter la messe et nous expliquer comment on allait donner le peu d’argent qu’il nous reste. Mais on a pris la main dès le début et on a imposé de quoi on allait parler (...) On leur a dit : aujourd’hui il y a des gens qui ne peuvent plus payer leur loyer et qui vont se retrouver dehors. Qu’est-ce qu’on fait ? »
L’association a exigé plus de transparence sur les hausses. Elle a demandé à connaître le prix du chauffage « sorti d’usine » et « comment on construit ce prix de 12 € le m2 que nous, locataires, devons payer en bout de chaîne ». « Nous commencerons à payer quand nous aurons des réponses. »
De son côté, la ville d’Echirolles a pris position pour les habitants, et a demandé à l’OPAC 38 de s’engager à mettre en oeuvre toutes les actions possibles pour éclaircir la situation.
Pour justifier les hausses, les responsables de l’OPAC 38 et la Compagnie de Chauffage arguent d’un hiver rude et de hausses des prix des matières premières (pétrole, bois). Quand ils essayent de présenter le nouveau chauffage comme un « confort » qui peut justifier des hausses de prix, les habitant-e-s corrigent : il s’agit d’un « droit ». Enfin, le bailleur social brandit la menace de la division : « si vous ne payez pas, ce sont d’autres habitants qui paieront pour vous ».
« Si on ne paye pas, c’est qu’on ne peut pas payer. On est un quartier où les gens n’ont pas d’argent », rétorquent-ils et elles. Beaucoup sont ouvrier-e-s retraité-e-s. Et certain-e-s, face à ces hausses, envisagent de déménager : « Mais pour aller où ? La crise du logement est partout. A la rigueur, les gens vont quitter l’agglo. Est-ce que c’est ça que les autorités veulent ? ». « Par dignité, il y a ici des personnes âgées qui vont préférer faire des économies sur leur nourriture plutôt que d’avoir des factures en retard. C’est inadmissible d’en arriver là », s’indigne un Viscosier.
Les habitant-e-s attendent donc des explications sur les hausses récentes et veulent payer le juste prix en matière de chauffage, un prix moyen. A terme, ils et elles revendiquent une baisse des charges et des loyers.
Le prochain rendez-vous officiel devrait réunir l’association, l’OPAC 38, la ville, la CNL (syndicat de locataires) et la Compagnie de Chauffage, à laquelle l’association demande également des comptes.
Alors que l’OPAC 38 fait visiblement traîner les choses, l’association des habitant-e-s propose de faire connaître son combat partout dans l’agglomération. De nouvelles banderoles, provenant explicitement d’autres quartiers, et dénonçant les dégâts de la guerre du logement, sont invitées à venir orner à leur tour l’entrée de la cité.
(infos recueillies par Défends-toit auprès des habitant-e-s, 17 septembre 2009)
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Echirolles : Quelques phrases dites pendant la rencontre du 24 septembre à la Viscose
Vendredi 25 septembre 2009
Les habitant-e-s d’une cité d’Echirolles sont en lutte depuis quelques mois. Ils ont cessé de payer une partie de leur loyer / des charges de chauffage parce que l’Opac 38 (proprio) a augmenté le loyer à base d’augmentation de charges du chauffage du genre montée en flèche alors que les promesses étaient "ça va baisser, ça va être trop bien vous allez voir".
Ce soir (24 septembre), une rencontre était organisée dans une salle de la Viscose par des habitant-e-s de la cité et quelques collectifs (Défends-toît, la caravane des mal-logés, etc.).
En vrac, quelques phrases qui ont été dites pendant la soirée (pas tout à fait mot à mot mais presque) :
- Un habitant de la Viscose : "Nous ce qu’on demande au départ c’est une révision des charges, parce que là c’est n’importe quoi, on ne peut pas payer, on est obligé de prendre des crédits pour payer le loyer, c’est devenu impossible, vraiment"
[A un moment de la soirée, un élu, adjoint au maire "communiste" d’Echirolles, prend la parole et se fait plutôt bien rembarrer par l’ensemble des habitant-e-s présent-e-s...]
- L’adjoint au maire : "Notre solidarité est sans faille, on est avec vous"
- Un habitant de la Viscose : "Ha oui ? Et ça change quoi votre solidarité, là ? Vous allez jusqu’où pour nous soutenir ? Vous faites quoi concrètement ?"
- Une habitante de la Viscose : "Depuis que vous nous soutenez, y’a rien qu’a changé. Ha si, y’a une chose qui a bougé, c’est les factures, qui se rallongent tous les mois !"
- Un habitant de la Viscose : "Ouais, alors on fait quoi, nous ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour vraiment leur mettre la pression ? Aller à l’Opac et tout casser, voilà ce qu’il nous reste à faire !" [à noter, les premiers aplaudissements de la soirée...]
- Un habitant de la Viscose : "Bloquons des chantiers de l’Opac, ça, ça les fera chier, c’est sûr !"
- Une habitante de la Viscose : "Le problème, aussi, c’est les compagnies de chauffage. C’est à nous, habitant-e-s, usager-e-s, utilisateur-ice-s, et non client-e-s, de nous approprier la gestion du chauffage, que ça ne soit pas entre les mains de lointains patrons et actionnaires, qu’on ne laisse pas ça à des grosses compagnies."
- Un habitant de la Viscose : "Oui, et pareil avec l’eau, l’électricité..."
En gros, la riposte est dans les têtes de tout le monde, y’a même en germe des idées d’auto-organisation de la vie quotidienne.
Les logements à celles et ceux qui les habitent ! Ni loyer ni propriété !
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