Cévennes: Compte-rendu de quelques actions du "Collectif en Cévennes" |
La chaleur de nos intentions n’y fit rien ; en ces jours d’avril le temps restait froid et humide. Cependant, l’agitation menée par les joyeux drilles du collectif sus-nommé battait son plein, parcourant les serres et les valats.
L’assignation en référé que reçurent les squatters-paysan(ne)s du Prat del Ronc fut pour cet informel collectif l’occasion de porter la protestation au cœur même du tribunal de Florac, ce 11 avril dernier. Les journées précédant ce rendez-vous furent riches en actions de propagande, et l’on vit fleurir en ce printemps gélif moult banderoles où se lisait la fièvre du temps présent : « terres délaissées, terres occupées ! », « maisons abandonnées, maisons occupées », et autres « la terre à ceux et celles qui la travaillent ! »...
Ce 11 avril 2008 donc, se réunirent devant le tribunal de Florac une petite centaine de personnes venues soutenir la lutte des occupants sans droits ni titres.
Acte I - Scène 1
Temps froid et humide.
Agitation permanente. Haut les coeurs !
Dans un bruit de sirène et de tam-tam métallique, les manifestant(e)s presque toutes déguisé(e)s expriment leurs volonté d’empêcher la tenue de l’audience prévue, d’ameuter le peuple et de s’amuser de la mascarade qui leur est offerte par la justice des riches. Une charrette de presse (concept d’un autre monde...) est là, ou chacun(e) peut s’informer des luttes en cours.
Acte I - Scène 2
Temps humide et froid.
Permanente agit-prop. Hardi camarades!
L’audience est ouverte ! À 15h30, quelle ponctualité !
Une cinquantaine de convives investissent le tribunal dans un boucan
terrible et un quart d’heure durant les mots sont impossibles dans la
salle d’audience où les assignés n’ont pas daigné faire acte de présence.
Devant l’impossibilité de mener à bien leur entreprise
d’injustice
sociale, les magistrats (en compagnie du représentant sur terre de
l’avocat de M. Stonex, propriétaire du Prat del Ronc) se retirent pour
décider en catimini de reporter l’audience au 16 mai de l’an 2008.
L’action ayant porté ses fruits, les non-aligné(e)s sortent en vainqueurs
éphémères de l’antre de la supercherie judiciaire...
Acte I - Scène 3
Froid et humide, tel était le temps.
Propagande et agitation. Kessta, tu m’engrènes!
La scène se déroule devant le tribunal de Florac. Des clowns
de la
Troupe
des Non-Théatreux (TNT) investissent la façade du bâtiment avec un décor
en carton. Un faux juge, une fausse avocate générale, un greffier, des
inculpés et leurs avocats reconstituent ces singeries, protégés par deux
faux flics bien efficaces contre les hommes préhistoriques et les
surfeurs ...
Profitant de cette occasion, trois vrais policiers
photographient les
clowns et le public depuis le deuxième étage du tribunal.
Acte II - scène 1
Humidité et froidure.
Agitation, chaos sonore.
La scène se déroule devant la sous-préfecture de Florac. Une
cinquantaine
de personnes masquées déballent leur rafut. Casseroles, bidons, feux
d’artifices, brouette remplie de tracts. Rafut, pas de revendication.
- Bruit de casseroles
- ...
- Détonation d’un pétard
- ...
- De l’autre côté des fenêtres, un flic : pff... Même pas de
slogan ! A croire qu’ils en ont vraiment que contre nous !
Au bout d’une demi-heure, le groupe se déplace.
Acte II - scène 2
Temps humide.
Troubles et agitation des consciences.
Le groupe (une cinquantaine) se retrouve à l’ancienne gare de
Florac. Un
bref bilan à chaud des actions de la journée est discuté. Comment la
lutte
contre l’expulsion du Prat del Ronc peut mener à un débat large et
ouvert,
et clairement offensif ? Plusieurs axes de lutte sont
évoqués :
- Multiplier les activités au Prat del Ronc (projections, chantiers,
discussions...),
- Continuer à créer un climat d’émulation et de mobilisation pour les
passages au tribunal,
- Exercer une pression forte sur les administrateurs de nos vies et leurs
relais locaux (mairie, justice, police...),
-Trouver des points de convergence avec d’autres luttes actuelles.
Pour organiser ensemble ces perspectives, plusieurs
rendez-vous sont
pris. Le lendemain à La Borie pour l’ouverture d’un jardin collectif, le
surlendemain à la Picharlerie, le 19 avril 2008 à 14h00 à
Saint-Germain-de-Calberte, et une réunion le 20 avril au Prat del Ronc à
14h00, suivie à 20h d’une projection. Enfin, un appel à rassemblement le
16 mai à Florac pour le second passage devant le tribunal.
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Avril 2007, des paysannes et des paysans reprennent l’activité du Prat del Ronc abandonné depuis 1988, à Saint-Germain-de-Calberte, en Cévennes lozériennes ... La maison est réhabilitée, les terres environnantes sont défrichées et cultivées. Petit à petit le lieu reprend vie : four à pain, poules, poterie , maraîchage, chevaux, plantations d’arbre fruitiers ..., mais aussi projections de films, soirées-débats, chantiers collectifs, journées d’échanges...
Depuis notre arrivée nous n’avons objectivement causé de tort à personne, mais cela ne suffit pas... La Préfecture de Lozère, les Renseignements généraux, la gendarmerie de Saint-Germain-de-Calberte, la gendarmerie du Collet-de-Dèze et la gendarmerie de Florac exercent une pression incessante sur nous et nos activités.
Depuis mai 2007, nous avons reçu 14 visites des autorités, 10 impromptues et 4 lors d’événements publics (projections, chantiers collectifs, journées de rencontre du voisinage...). Suspicions, accusations infondées et menaces accompagnent chacun de leurs passages, et comme si cela ne suffisait pas d’autres pressions administratives sont exercées depuis août 2007 sur le propriétaire du Prat del Ronc pour le pousser à engager des démarches contre ses occupant-e-s.
Nous occupons le Prat del Ronc SANS DROIT NI TITRE.
C’est-à-dire
que nous
n’avons aucun droit légal d’habiter là et d’y cultiver la terre. En bref,
pour faire du Prat del Ronc un lieu « aux normes », « en règle », « légal
», il faut en expulser les habitant-e-s, les empêcher d’y cultiver la
terre.
Ce qui compte aux yeux de la Loi n’est pas la justice ou la liberté mais l’affirmation permanente que ce qui vaut dans ce monde est le privilège de quelques-un-e-s .JAMAIS ils ne poseront la question du droit de tous de vivre et d’habiter librement. Le droit est fondé sur la défense de la propriété privée, et l’appropriation privée est le fondement des inégalités. La propriété n’est pas la liberté, elle est un outil pour contrôler le monde et en organiser l’exploitation.
Dans les Cévennes, comme ailleurs, la propriété privée est le moyen de distribuer la terre, non pas à ceux-celle qui en vivent et y vivent, mais aux intêrets marchands (industrie touristique, résidences secondaires, spéculateurs fonciers, accumulations familiales, exploitations forestières...).
Le vendredi 11 avril nous étions ne centaine réunis au tribunal
d’instance de Florac.
Nous exigeons l’arrêt immédiat de la surveillance, du
harcèlement,
et de
la procédure d’expulsion dont nous sommes victimes.
Nous passons au tribunal de Florac le vendredi 16 mai 2008 à
15h30, pour
la seconde fois. Nous souhaitons continuer à nous organiser avec tous
ceux
qui jugeront nécessaire, et auront le courage de refuser le contrôle
omniprésent des intérêts marchands et étatiques sur nos vies.
Venez en soutien le 19 avril 2008,
dans la rue de Saint-Germain-de-Calberte
Contact : Prat-del-Ronc, prox Pendedis, 48370 Saint-Germain-de-Calberte,
04 66 32 02 46, pratdelronc at no-log.org
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Acte III - scène 1
Temps ensoleillé,
troubles et agitations des consciences,
la terre fourmille...
Une quarantaine de personnes se retrouvent à La Borie pour l’ouverture
d’un champ de pommes de terre et d’un jardin collectif. En fin de journée
la terre est prête à être cultivée.
La décision est prise de se retrouver tous les mardis pour jardiner. A
suivre...
Acte IV scène 1
La soupe des Partisans, dimanche 13 avril.
Temps nuageux, panique historique, randonnée commémorative sur les
chemins de la Résistance à la Picharlerie. Un chant s'élève dans la
vallée.
- Tu entends ? C'est le chant des Partisans, allons voir !
Un gentil pique-nique est organisé sur le chemin, quatre joyeux bardes occitans mettent de l'ambiance.
- Aïe, ça sent l' éco-randonnée à thème doublée d'une morbide commémoration folklorique. Les paroles de Roger Lagrave (conteur-organisateur) sont fédératrices, mais attendons la réaction des plus véhéments.
- Tiens, regarde ! des nouveaux avec une table de presse bien garnie et une franche envie de porter la critique. En voilà un qui entre en scène avec enthousiasme, écoutons :
Morts pour la France...morts pour rien !
De la culture sans conséquences du souvenir...
Je viens, là. Et je me souviens de faits que je n’ai pas forcément vécus
directement.
Je pratique le culte du souvenir romantique, poétique parfois et
bucolique
dans l’interprétation du décor qui servit au théâtre de ces batailles
guerrières d’alors...
Mais dans ma manière d’entretenir ces beaux tableaux, de faire survivre
ces moments de résistance de la vie contre la mort costumée des nervis du
capital, j’occulte délibérément les nouveaux partisans, ceux et celles
qui, refusant la résignation programmée, s’insurgent contre l’état des
choses.
Le passé glorieux des morts n’est qu’un leurre dès lors qu’il ne laisse
aux vivants que les choix malheureux de la soumission et de l’aliénation
marchande.
S’il est facile aujourd’hui d’affirmer que les maquisards morts au combat
le sont pour rien, c’est juste parce qu’il est facile de constater la
réalité pour peu que l’on regarde objectivement le sort qui nous est
fait.
La liberté n’est qu’une vaine parole, rien n’a vraiment changé sauf la
technologie servant au contrôle social. La démocratie est une mascarade,
une arnaque moribonde, une paire de menottes posée sur une urne en
plexiglas, un flot ininterrompu de discours sans intérêt. Qu’importe les
campagnes, le Maître demeure...
Les événements de 39/45 sont le résultat normal du modèle capitaliste. Le
nazisme, rien d’autre qu’une tendance pathologique d’un capital à la
recherche d’un nouveau souffle. Quel monde est né de la fausse couche de
1945 ? Un monde de paix ? Mon cul ! La glorieuse armée
française nous en fit la démonstration dès 1945 en massacrant à la
mitrailleuse des Algériens désarmés qui osaient réclamer leur
indépendance. Quel monde a jailli des ruines de Guernica et de
Dresden ? Un monde d’amour ?
Pas vraiment, vous chuchoteraient les Vietcongs brûlés au napalm.
La liste est interminable des crimes et horreurs commis à l’ombre des
drapeaux, sous l’aile des doctrines, au gré des fantaisies fantasques des
nantis, jamais à court d’idées quand il faut épurer, torturer, violer,
etc., etc., etc.
Et peu m’importe à moi le nom de l’officine. L’odeur du sang est le
résumé
de la violence.
Si le passé doit servir en permanence à occulter le présent, alors fi du
passé !
Si la mort de camarades n’est qu’une tache de plus sur vos guides
touristiques, une invite à la dithyrambe consensuelle, c’est que vous
êtes
normal. Aucun souci pour vous, puisque vous êtes mort par procuration
dans
les maquis cévenols il y a quelques décennies déjà...
Musique !
«...instaurant de partout l’ère de la non-vie
c’est la nouvelle peste
c’est la démocratie
des décideurs avides
des promoteurs morbides
des présidents putrides
mais leur château de cartes n’est pas assez solide...»
Allez va ! Fais pas la gueule. Hier est mort et aujourd’hui respire
encore, il bouge même ! et... ma parole il lutte ! elle
résiste ! Et tout ce beau monde rêve éveillé d’en finir avec le
travail salarié, avec les frontières, avec les prisons, les flics, le
fric... bref, une minorité de trouble-fêtes œuvre pour la paix dans le
monde en menant sur plusieurs fronts la guerre sociale que n’avait pas
interrompu 39/45. Des irréductibles hors-la-loi hostiles au
capitalisme et
qui se foutent bien de savoir ce que l’histoire officielle en cours
d’écriture retiendra d’eux, puisqu’ils sont leur propre histoire.
Au souvenir lâche et futile, le présent oppose et propose ses luttes sans
gloire mais passionnées, causes de déboires et de chagrin certes, mais ô
combien enrichissantes pour ses protagonistes...
Alors n’oublie pas de te souvenir du présent qui passe, et n’hésite pas à
soutenir aujourd’hui ce que tu commémorerais demain. Camarade!
Musique!
«Mmmmmm, mmmmm, mmmmm, mm,mmmmmmmmmmm, mmm, mmmm (le chant des
martyrs)».
Voilà Francis Villermaux, co-organisateur-militant-PC, relais
efficace
des directives de la Préfecture de Lozère, qui répond avec virulence.
Il a
une idée fixe : « Oublier les polémiques du vingt et unième siècle ». La
Résistance commence avec les héros et les martyrs du Comité National
de la
Résistance... et s'y arrête. Ainsi béatifiée, l'histoire se fige. Chacun
pourra rentrer chez soi le cœur léger, l'histoire est close, la
démocratie
gaulliste a vaincu l'oppression, pour toujours...
Reste l'érection d'une stèle à la Picharlerie : « Le plus
important aujourd'hui est d'avoir un vrai projet pour faire de ce
lieu, un
endroit de recueillement et de silence. Que l'on puisse s'y retrouver
pour
honorer la mémoire de ceux qui ont été d'authentiques
Résistants ». Le Préfet Mourier, 07/2007
Mais la journée ne saurait en rester là pour ces randonneurs du
passé.
N'en déplaise aux pacificateurs de la conscience sociale, qui font tout
pour amoindrir les conflits dramatiques qui traversent l'époque, la
contradiction est posée. Devant le tas de débris qu'est devenue la
Picharlerie en 2007 - suite à l'intervention musclée du
propriétaire et de la Préfecture -, plus rien
d'historico-folklorique, juste un constat politique contemporain
finalement partagé par beaucoup des personnes présentes.
Plus d'information :
http://lapicharlerie.internetdown.org/
collectifencevennes at no-log.org