Berlin : Sur l’appropriation du bâtiment au numéro 29–31 de la Stralauer Platz |
Nous nous sommes appropriés le bâtiment au numéro 29–31 de la Stralauer Platz et nous le squattons actuellement [Bâtiment squatté le 31 déc. 2009, expulsé le 1er janv. 2010...]. Par cette action, nous voulons pointer du doigt et protester face à divers problèmes, inégalités et abus de notre ville.
La forme d’action non-violente qu’est le squat trouve ses origines en 1971 [à Berlin], lorsque la maison Georg von Rauch est squattée, et c’est depuis devenu une part entière de la philosophie de vie de cette ville. Cet héritage culturel immatériel a été transmis à l’oral, à l’écrit et par expérience aux différentes générations de jeunes se succédant rapidement. Après l’expulsion du Brunnenstrasse 183, ce sont maintenant le Liebig14, le Rigaer94 et le Schwarzer Kanal qui sont menacés. Et ceux-ci ne sont pas des « nids de terroristes d’extrême-gauche », comme on pouvait le lire dans des articles de presse, mais des îlots de création, des centres sociaux et des communautés expérimentales, justement toute une culture de jeunes qu’il s’agit de protéger et non de chasser.
Les loyers à Kreuzberg et dans d’autres quartiers sont devenus impossible à payer pour les gens à faibles revenus. Les bénéficiaires d’allocations sociales d’après le SGBII craignent de se voir obligés à déménager [Les allocations du Hartz IV comprennent le paiement du loyer tant que celui-ci reste inférieur à une certaine somme. Suite à une augmentation de leur loyer, les personnes touchant le Hartz IV doivent soit « trouver les moyens de faire baisser leur loyer » (d’après l’équivalent local de l'ANPE), soit prendre en charge une partie de celui-ci ou bien déménager dans un logement moins cher]. Cela conduit à un échange insidieux des habitantEs actuelLEs par des personnes aux salaires élevés, une évolution déjà achevée dans le quartier de Prenzlauerberg et en plein essor dans le quartier de Friedrichshain. La restructuration de quartiers entiers, dans une logique commerciale, repousse les gens toujours plus loin, hors de l’intérieur du Ring [RER circulaire].
Alors que, dans le seul quartier de Mitte, 3,3 millions d’euros doivent être économisés – ce qui signe un arrêt de mort pour une grande partie des structures culturelles et sociales, entre autres pour les jeunes – le toit de l’opéra Lindenoper va être soulevé de 4 mètres afin d’améliorer l’acoustique, et ce pour un coût de 4 à 5 millions d’euros. Fermer des maisons pour jeunes et à la place, dépenser des millions pour que quelques riches puissent apprécier leur culture, il est juste que cela nous mette en colère. Qu’il s’agisse des rives de la Spree avec Media-Spree [Grand projet d’investissement d’entreprises de médias le long de la Spree], du Mauerpark [Des immeubles de luxe devraient être construits sur une partie du parc] ou de l’ancien aéroport de Tempelhof [Aéroport fermé le 31 octobre 2008 soi-disant pour être ouvert au public, toujours fermé et surveillé depuis], morceaux par morceaux, la ville est privatisée, vendue et soustraite à toute utilisation pour des fins publiques. Toute participation et prise de parole des habitantEs est bloquée et est, au mieux, mentionnée du bout des lèvres dans les déclarations de presse.
Un rôle peu glorieux est joué par le Liegenschaftsfond [fond des biens fonciers], privatisé mais appartenant néanmoins 100% à la ville de Berlin, et qui vend les parcelles de notre ville à des investisseurs. Ce faisant, il ne prend souvent même pas en compte les souhaits des arrondissements. Le Liegenschaftsfond et le Sénat berlinois se rejettent mutuellement leur responsabilité et ni transparence, ni participation ne sont accordées aux habitantEs. Bien qu’un jour de prison coûte 80 euros à la ville de Berlin, plus de 30% des 500 prisonniers de la maison d’arrêt Plötzensee y sont pour fraude [appropriation frauduleuse de service]. Ce qui signifie que Berlin dépense environ 15 000 euros par jour afin de protéger les intérêts des sociétés Bahn AG [équivalent de la SNCF] et BVG [équivalent de la RATP]. Ces entreprises, en revanche, sont prêtes à tout pour maximiser leur profit, même au prix de la sécurité des passagers [Depuis le mois de mai, une série d’incidents - roues fissurées, problème de frein, défaillance électrique - sur le RER berlinois a révélé que de nombreuses voitures n’avaient pas été contrôlées correctement toutes les semaines comme cela devait être fait, alors que ces dernières années plusieurs ateliers de contrôle et de réparation ont vu fermer leurs portes afin de minimiser les coûts de l’entreprise. En attendant le prix des billets a continué d’augmenter ces dernières années...]. Malgré le droit fondamental à la mobilité, les bénéficiaires de l’allocation Hartz IV ne peuvent plus se payer les moyens de transports autrefois « publics ».
Et attention à ceux dont on pourrait croire par leur habillement qu’ils appartiennent au milieu d’extrême-gauche : ils courent le risque d’être placés en détention provisoire plusieurs mois, sans fondement, ni preuve, ni témoin, comme ce fut le cas pour Yunus, Rigo, Alex et, dernièrement, Tobias, qui tentent de retrouver le fil chaotique de leur vie après des mois d’incarcération. Dans les quartiers de Friedrichshain et de Kreuzberg, l’Etat policier totalitaire fait maintenant partie du quotidien. Les véhicules de polices font des patrouilles toutes les cinq minutes et tous les dix mètres, des policiers en civil sont en « patrouille d’incendie » pour traquer les personnes qui expriment leur protestation en incendiant des voitures. Cette violence contre des biens matériels n’a jusqu’à présent blessé personne. Les « prises de mesures énergiques » sans succès et illégales de la police les ont déjà conduit à blesser dangereusement un jeune homme avec un pistolet. Ce n’est plus qu’une question de temps pour savoir quand un jeune sera-t-il tué par un policier et ce ne serait pas seulement démesuré. La situation déjà tendue dans ces quartiers s’aggraverait très vite. La violence contre des objets est l’expression de tensions sociales qui risquent d’augmenter sérieusement les prochaines années si les responsables ne se tournent pas vers un « développement urbain social ».
Nous condamnons l’assimilation de la politique d’extrême-gauche et d’extrême-droite par Körting, sénateur de l’Intérieur. La différence fondamentale réside dans le fait que les militants d’extrême-droite soutiennent des approches méprisant la dignité humaine, alors que l’extrême-gauche est toujours à la recherche de changements bénéfiques aux êtres humains. Nous condamnons également la campagne de dénigrement de la presse envers les milieux alternatifs et/ou d’extrême-gauche, dont les titres comme « Expulsez enfin ces nids de terroristes ! » ont servi à préparer l’expulsion du Brunnenstrasse 183, expulsion controversée sur le plan légal. Ces allégations mensongères n’avaient et n’ont aucun fondement. Le 24 nov. 2009, 47 femmes, hommes et enfants ont été expulsés et l’immeuble rendu inhabitable. Ils s’agissaient de personnes socialement engagées, qui, entre autres, s’occupaient du bien connu Umsonstladen [magasin gratuit], dans lequel des vêtements, des livres, des appareils électro-ménagers ou encore, soutenus ces derniers mois par le Berliner Tafel e.V., des vivres étaient remis gratuitement à ceux qui en avaient besoin. Etait-ce vraiment là un de ces « nids de terroristes » contre lesquels nous met en garde notre sénateur de l’Intérieur ? Dans ce Hausprojekt, il y avait encore un atelier gratuit de réparation de vélos, des concerts également gratuits, des conférences, des salles de répétitions pour des groupes de musique et bien plus encore. Nous exigeons des dédommagements pour le collectif du Brunnen183. Wowereit, maire de Berlin, le Sénat berlinois et le Liegenschaftsfond sont responsables du fait qu’aucune autre solution n’ait pu être trouvée et doivent céder un terrain en friche ou un bâtiment non utilisé à ces gens devenus SDF.
Des squatteur-euse-s de Berlin