Grenoble: Récit de l’expulsion du 10 rue des Bergers


Le lundi 10 octobre 2005, le collectif de la Jugulaire, habitant 10 rue des Bergers, a été expulsé « manu militari ».
On vous propose un récit de cette expulsion, qui a pris une tournure bien étrange dans le contexte grenoblois…

Le mercredi 5 octobre, six personnes ont élu domicile dans une maison de Grenoble, vide depuis 33 ans, appartenant à l’une des plus grosses sociétés de Grenoble : la SCI d’Alembert, groupe de cliniques, qui mène depuis une dizaine d’années parmi les plus gros projets immobiliers de la cuvette. Le samedi, nous avons informé le voisinage et les employé-e-s de la clinique attenante de notre présence. Tout le week-end, des voisines et des infirmières sont venues nous rencontrer pour nous dire qu’elles étaient ravies de voir cette maison vide enfin habitée ! Un vigile et une infirmière sont passé-e-s pour s’assurer que nous ne faisions pas de feu (en plein été indien) : on leur a confirmé que nous ne comptions pas nous faire griller, et qu’on ramonerait les cheminées si nous voulions un jour nous en servir.

Lundi matin, 9 H. Le directeur des soins de la clinique des Bains (a priori) est arrivé, muni d’un pied de biche, d’un serrurier et d’un autre homme (vigile ? RG ?), pour nous expulser lui-même. Après avoir arraché un volet à coup de pied de biche, il a menacé de briser la vitre de la porte fenêtre et de nous faire sortir, avec bien sûr un lot de menaces réjouissantes. Trois d’entre nous se sont collé-e-s à la vitre pour l’en empêcher. 10 H : la police nationale est arrivée, conseillant de suivre la procédure au directeur, hors de lui. Celui-ci, hurlant, affirmait qu’il y avait des produits explosifs dans le bâtiment (ce qui était bien sûr faux), et que nous avions fait du feu (eh oui, nous avions envie de cramer vif-ve-s). Une quarantaine de personnes sont arrivées dans la rue pour protester. Le commissaire de police nous a affirmé que le directeur était parti déposer une plainte pour violation de domicile, et flagrant délit. Le commissaire a alors dit que nous n’allions pas être expulsé-e-s immédiatement, que la procédure judiciaire était en cours.
Une demi heure plus tard, ce même commissaire nous a dit que le procureur a donné ordre d’expulsion immédiate (!!). Il a affirmé qu’il n’avait pas de preuves à nous donner.
Des CRS et des policiers ont brisé la baie vitrée et ont défoncé la porte à coup de fusils à pompe (sans vérifier s’il y avait personne derrière), et nous ont fait sortir. Ils ont contrôlé les identités des 6 personnes qui étaient à l’intérieur, plus celle d’une personne à l’extérieur. L’après-midi, deux amis qui passaient dans la rue ont croisé un homme, pied de biche à la main, les menaçant : « On sait que vous êtres très violents (!!!), mais nous, on peut être encore plus violents (…) On connaît vos visages (…) On a le bras long, on connaît le préfet, etc. ».

D’après deux avocats, il est fort possible que, en effet, les responsables de la SCI aient pu obtenir l’expulsion immédiate par des voies… obscures.
D’autant plus que la SCI d’Alembert est en train de mener un projet de 44 millions d’euros, et va abandonner la clinique attenante à notre maison, vide depuis notre départ. On se souvient aussi que cette même SCI, il y a quatre ans, avait obtenu une expulsion en plein hiver du squat dit le CPA. Cette expulsion, violente, s’en était suivie du rasage du bâtiment avec des bulldozers, alors que la plupart des affaires des squattereuses étaient à l’intérieur. Mais l’expulsion était, là aussi, urgente : ils ont débuté les travaux trois ans plus tard.

Doit-on voir dans l’expulsion précipitée du dix rue des Bergers le fait que les propriétaires sont « cul et chemise » avec le préfet ? Ou un raidissement global de la politique franco-grenobloise de répression des pauvres ? En tout cas, on a été sidéré-e-s de voir comment un type, qui fait certainement partie, de loin, de cette SCI brassant des millions d’euros, était prêt à nous casser la tête à coup de pied de biche, parce que nous avions habité ce lieu abandonné, mais sacro sainte propriété privée…

A ce jour, il n’y a aucune trace au parquet de ce fameux dépôt de plainte (mais cela peut venir), et donc qu’il y ait réellement eu une procédure ‘légale’ d’expulsion. Bref, on va enquêter, on vous informe dès qu’on sait un peu plus ce qu’il s’est passé.

La jugulaire a été coupée, ça va saigner !

La Jugulaire


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