Genève: Traitement médiatique de la manif anti-expulsions du 28 juillet


29 juillet 2007

En attendant des retours plus sérieux de médias moins crades, je vous livre le regard de la presse genevoise sur la manif d'hier de soutien aux squats car c'est bien instructif à sa manière: "quand 50 casseurs font la loi à Genève"

Le porte-parole de Rhino, interrogé par la presse, aurait déclaré: «La colère a de multiples formes d'expression. C'en est une. Quand les pouvoirs politique et judiciaire se coordonnent pour réprimer les droits d'expression des citoyens, il ne faut pas s'étonner que d'autres moyens d'expression émergent.»

Tandis que Laurent Moutinot, socialiste et conseiller des forces de l'ordre: «Je constate qu'il y a toujours plus de casseurs qui s'invitent aux manifestations démocratiques. C'est un problème pour la police, et également pour les organisateurs de manifestations, dont certains font preuve d'angélisme. C'est d'ailleurs ce risque de dérapages qui a convaincu le Parti socialiste - et j'y suis pour quelque chose - de ne pas soutenir cette manifestation.»

Romandie news

Genève: manifestation de soutien aux squats

Un cortège de soutien aux squats a réuni près d'un millier de personnes dans les rues de Genève. Familial et bon enfant au départ, la manifestation a donné lieu à quelques débordements devant les anciens squats California et la Tour.

Dans le quartier des Pâquis, un petit groupe a arraché la palissade protégeant l'ancien squat California, évacué en 2004 mais toujours en travaux. Certains ont lancé des pavés et des bouteilles incendiaires. Le feu a été bouté à une voiture. Des policiers postés à l'intérieur du bâtiment et dans les alentours sont rapidement intervenus, faisant usage de gaz lacrymogène.

La grande majorité des manifestants est restée pacifique. Mais au long du parcours, quelques-uns ont apposé des tags sur des façades, rayé la carrosserie de véhicules et érigé des barricades au moyen de barrières et de bacs à fleurs.

Au boulevard Jaques-Dalcroze, une poignée de casseurs a brisé les vitres du siège du PRD, parti du procureur général Daniel Zappelli. Le cortège est parvenu peu après 18h00 à sa destination, les abords des anciens squats Rhino et la Tour, évacués depuis peu. La police a dû faire usage de lacrymogènes pour calmer un groupe qui tentait de s'approcher de la Tour.

L'appel à manifester, lancé par le collectif Rhino et le mouvement Intersquat, avait été relayé par des partis politiques de gauche et des associations culturelles comme L'Usine. Tous demandaient l'arrêt des expulsions sans jugement d'évacuation, la réintégration des squatters du Rhino et de la Tour dans leurs logements et le maintien d'espaces culturels et associatifs alternatifs.

Le Matin (par Michel Jeanneret):

Cinquante casseurs font la loi à Genève

Les casseurs se sont cachés derrière des lunettes de soleil, des cagoules et des foulards. Certains ont sorti des cocktails Molotov de leur sac.

La manifestation pour dénoncer la politique antisquat du procureur général Daniel Zappelli a dégénéré hier: des voyous, venus principalement de Suisse alémanique, ont chargé la police aux alentours de 17 heures. Le conseiller d'Etat en charge des forces de l'ordre, Laurent Moutinot, répond aux critiques: «Je constate qu'il y a toujours plus de casseurs qui s'invitent aux manifestations démocratiques. C'est un problème pour la police, et également pour les organisateurs de manifestations, dont certains font preuve d'angélisme. C'est d'ailleurs ce risque de dérapages qui a convaincu le Parti socialiste - et j'y suis pour quelque chose - de ne pas soutenir cette manifestation.»

A 15 h, lorsque le cortège a quitté la place Neuve, en face du Grand Théâtre de Genève, le mal était fait. Comment expliquer que des manifestants annonçant leur volonté de défiler pacifiquement pour dénoncer la politique antisquat du procureur général, Daniel Zappelli, tolèrent que le cortège soit mené par une cinquantaine de voyous vêtus de noir? Du coup, lorsque la manif a complètement dégénéré aux alentours de 17 h, la question n'était pas de savoir pourquoi elle avait dérapé, mais quelle serait l'ampleur des débordements.

Cinquante casseurs ont donc pourri une manif regroupant quelque 800 personnes.
La situation a explosé devant l'ancien Hôtel California, dans le quartier des Pâquis, un bâtiment laissé à l'abandon depuis trois ans alors que l'Etat avait promis aux squatters qui l'occupaient d'y construire des logements sociaux. Les casseurs se sont approchés de l'immeuble, ont déployé des banderoles, tagué deux ou trois murs avant de passer aux choses sérieuses: ils ont balancé des pavés contre les vitres du bâtiment et ont tenté de démolir les barrières de sécurité pour pénétrer dans les lieux. A ce moment précis, ils se sont retrouvés nez à nez avec des policiers cachés dans l'immeuble.

Les voyous ont jeté des pavés sur les forces de l'ordre et mis le feu à une voiture. Certains policiers ont riposté en lançant eux aussi des pavés sur les casseurs avant de faire usage de gaz lacrymogènes. Les voyous, venus principalement de Lucerne, Zurich et Berne, selon le porte-parole de la police, se sont alors rabattus sur les quais, paralysés pendant près d'une heure.

Vitres du Parti radical brisées

Ils ont jeté des tables, des chaises, des bacs à fleurs, des containers à poubelle et des barrières sur la route pour empêcher le passage des fourgons de police. Les policiers ont sorti le canon à eau pour les faire reculer. Du coup, l'ensemble des manifestants se sont progressivement déplacés vers le squat Rhino, évacué lundi dernier. Au passage, deux ou trois jeunes ont brisé les vitres du siège du Parti radical, auquel appartient le procureur général.

A Rhino, près de l'Hôpital cantonal, la tension s'est encore accentuée: les casseurs se sont défoulés sur des voitures en brisant leurs vitres et ont mis le feu à des containers à poubelles. Quant à la police, elle a ressorti les fumigènes et les canons à eau. Le combat a duré près d'une demi-heure avant que les casseurs ne se dispersent dans la nature, vers 19 h. A l'heure où nous mettons sous presse, deux personnes avaient été interpellées.

Contrôles préventifs

Seuls 50 voyous ont réussi à faire la loi en ville et à occuper son centre névralgique pendant plus de quatre heures. La police aurait-elle dû agir plus tôt dans la journée? «Nous avons effectué des contrôles préventifs et saisi du matériel pyrotechnique, répond le porte-parole de la police, Eric Grandjean. Mais la manifestation était autorisée et nous n'avions aucune raison d'interpeller des personnes avant la manif.»

Quel regard porte l'ancien porte-parole des squatters, Maurice Pier, sur l'action des casseurs? «La colère a de multiples formes d'expression. C'en est une. Quand les pouvoirs politique et judiciaire se coordonnent pour réprimer les droits d'expression des citoyens, il ne faut pas s'étonner que d'autres moyens d'expression émergent.»

Laurent Moutinot: «C'est ce risque de dérapages qui a convaincu le PS de ne pas soutenir la manif...»

Monsieur le conseiller d'Etat, comment expliquez-vous qu'une cinquantaine de casseurs puissent bloquer une ville pendant tout un après-midi?

Pour procéder à des interpellations, il faut deux policiers pour un casseur. Nous ne pouvions donc pas nous permettre de sortir une centaine d'hommes du dispositif de sécurité mis en place. C'est pour cette raison que ce n'est que lorsque les manifestants pacifistes ont quitté les lieux et qu'il ne restait plus que des casseurs sur place, que nous avons pu procéder à une série d'interpellations (n.d.l.r. aux alentours de 19 heures).

En relançant des projectiles en direction des casseurs, les policiers n'ont-ils pas dérapé?

Je n'ai pas encore d'éléments qui me permettent de prendre position sur ce que vous mentionnez. Mais je relève qu'à mon avis, l'emploi des gaz lacrymogènes près de l'Hôtel California me semble avoir été proportionné. Il était primordial de s'assurer que des squatters n'occupent pas à nouveau les lieux.

Quel regard jetez-vous sur les débordements?

Je constate qu'il y a toujours plus de casseurs qui s'invitent aux manifestations démocratiques. C'est un problème pour la police, et également pour les organisateurs de manifestations, dont certains font preuve d'angélisme. C'est d'ailleurs ce risque de dérapages qui a convaincu le Parti socialiste - et j'y suis pour quelque chose - de ne pas soutenir cette manifestation.

n.


retour