A Dijon, le squat des Tanneries pourrait être « régularisé »


La mairie souhaitait expulser cet espace culturel alternatif Visé par un arrêté municipal d'expulsion, le squat des Tanneries, à Dijon (Côte-d'Or), a obtenu en juillet un sursis de trois mois. Créé en 1998, cet espace culturel alternatif qui organise des spectacles et compte environ 300 membres espère pouvoir négocier avec la mairie une régularisation du lieu.

Mis à jour le lundi 14 août 2000

DIJON de notre correspondante

Depuis quelques jours, on ne chôme pas au squat des Tanneries, à Dijon (Côte-d'Or). Yann, Béatrice et les autres résidents de l'usine désaffectée du boulevard de Chicago, passent leurs journées truelles et perceuses à la main. Ils s'activent pour achever les travaux de mise en sécurité de la salle de concert, qui est la pièce maîtresse de « L'espace autogéré des Tanneries » qu'ils ont créé il y a un an et demi, en passant outre l'autorisation de la ville de Dijon, propriétaire des lieux.

Le temps presse, car aujourd'hui la municipalité ne souffre plus leur présence. Un arrêté municipal de fermeture a été pris au mois de juin, quelques jours après l'incendie - aux causes non élucidées - des locaux d'habitation jouxtant l'espace culturel, où résidaient en permanence une dizaine de personnes. Si les squatters sont encore là, ils le doivent au tribunal de grande instance de Dijon. Le 21 juillet, un jugement en référé a accordé aux occupants des lieux un sursis de trois mois « afin d'y poursuivre un projet de vie et d'animation sérieux ». Le tribunal a estimé que l'incendie n'était pas un danger pour les occupants qui ont déménagé dans un bâtiment voisin.

JOURNÉES PORTES OUVERTES

Créé en octobre 1998 à l'initiative de quelques membres de l'association Maloka, vieux mouvement anarcho-punk dijonnais, cet espace culturel alternatif s'est fondu dans le paysage culturel local. Les musiciens et troupes de théâtre qui y donnent librement des spectacles ont trouvé un public et les journées portes ouvertes, régulièrement organisées pour se faire connaître plus largement des Dijonnais, ont accueilli jusqu'à 300 personnes en un week-end. L'un de ces « happenings » a permis de décorer les façades grises de tags géants campant tous les personnages du cirque. L'affluence aux concerts qui a atteint 700 personnes la nuit de l'incendie prouve la pertinence d'un tel endroit à Dijon », explique Yann, l'un des fondateurs de l'association « Espace autogéré des Tanneries ».

Fondées sur le principe du « non-profit, des activités les moins coûteuses possibles et hors de toute discrimination d'idées et de races », les décisions sont prises par les adhérents en assemblée générale toutes les trois semaines. L'association revendique 300 membres. Parmi eux, une trentaine de fidèles prennent part régulièrement àl'animation. Ils ont entre quinze et trente-cinq ans et ne souhaitent surtout pas « entrer dans le système ».

La plupart se disent anarchistes. « Nous avons choisi de vivre selon des principes libertaires, comme l'autogestion ou la lutte contre la spéculation immobilière alors qu'il existe des sans-logis », précise Béatrice qui prépare actuellement une maîtrise de lettres modernes.

Selon François Briot, adjoint au maire chargé du patrimoine communal, les Tanneries « correspondent à une forme d'expression qui a sa place dans une ville comme Dijon ». Si le maire, Robert Poujade (RPR), a mis neuf mois pour mettre ses menaces d'expulsion à exécution - les premières datant de l'automne 1999 - c'est, reconnaît-on dans son entourage, « par pur pragmatisme ». Non seulement le site de plusieurs hectares ne fait l'objet d'aucun projet d'urbanisme immédiat, mais il est situé loin du centre-ville, à proximité d'une autoroute et d'une zone industrielle. La mairie est en outre en procès avec l'ancien propriétaire de l'usine qui doit dépolluer le site souillé des sels ayant servi au tannage des cuirs.

MISE EN SÉCURITÉ

Quelques jours avant l'incendie, le conseil municipal s'apprêtait d'ailleurs à voter une convention d'occupation des locaux, d'un an renouvelable, qui aurait en quelque sorte officialisé les Tanneries. Au même titre que le Théâtre municipal, qui dispose gratuitement de locaux dans un bâtiment voisin pour stocker ses décors, l'association des Tanneries devait se voir attribuer les bâtiments indûment occupés, « y compris pour un usage d'habitation », précise l'adjoint au maire. Même si une référence à un risque de trouble de l'ordre public, immédiatement sanctionnable par une fermeture du lieu, a déplu aux résidents.

Aujourd'hui, à la mairie, on se dit prêt à reprendre le dialogue car « on ne veut pas d'histoire ». L'autre préalable à la régularisation du lieu est l'achèvement des travaux de mise en sécurité de la salle de concert. Les squatters qui veulent avant tout éviter l'expulsion, font tout pour que la commission de sécurité leur donne le feu vert afin d'accueillir à nouveau le public.

Christiane Perruchot, Le Monde daté du mardi 15 août 2000


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