Un squat de soixante familles défie la mairie d'Aubervilliers


A Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), soixante-quatre enfants n'ont pas pu effectuer leur rentrée et manifestaient avec leurs parents, mardi 5 septembre, devant l'hôtel de ville.

Mis à jour le mardi 5 septembre 2000

La mairie a refusé leur inscription. Leur tort ? Appartenir aux soixante familles d'origine africaine qui se sont installées illégalement, en avril, dans des logements sociaux de la ville. Vingt d'entre elles ont déjà été expulsées et vivent depuis sur un campement provisoire installé devant la mairie, sous la bannière de l'association Droit au logement (DAL). Tous les soirs, Touré Goré y rejoint sa femme. Et repart travailler la journée. Parce qu'il ne supportait plus de vivre dans l'appartement exigu de ses beaux-parents à Bobigny, ce jeune Malien s'est installé, le 21 avril, dans un appartement de l'OPHLM d'Aubervilliers, au 126 de la rue Casanova. En toute illégalité. « J'avais entendu dire qu'il y avait des logements vides ici. C'était la seule solution. Mais j'ai toujours demandé à payer un loyer. » En l'espace d'un mois, soixante familles, de Seine-Saint-Denis et d'ailleurs, sont arrivées pour squatter des logements de la ville, principalement ceux de la cité de la Maladrerie.

Au-delà de l'occupation illégale, la ville dénonce l'existence de réseaux mafieux », rackettant les familles pour les faire entrer dans les appartements. Soutenant le maire d'Aubervilliers, Jack Ralite (PCF), le MRAP, habituel compagnon de lutte du DAL, se désolidarise de l'association, lui reprochant de cautionner « une entreprise inacceptable (. ) qui vise à faire passer ces gens devant les autres au motif qu'ils ont forcé la légalité en squattant des appartements ».

Le DAL reconnaît le trafic mais n'en demande pas moins un relogement desfamilles. Seuls les squatteurs semblent plus réticents à en parler. Foufana, un des porte-parole des familles expulsées, est arrivé du Val-d'Oise avec sa famille. Il reconnaît que « quelqu'un qui s'est fait passer pour un gardien m'a demandé 5 000 francs pour avoir accès à l'appartement. Je lui en ai donné 3 000 et je ne l'ai jamais revu ». Depuis, l'office HLM d'Aubervilliers a déposé une plainte contre X. pour « dégradation de bien privé ».

FAMILLES RACKETTÉES

Ces trafics de squat n'existent pas qu'à Aubervilliers et se multiplient dans toute la Seine-Saint-Denis. A La Courneuve, dimanche 27 août, un jeune originaire de la cité a été interpellé pour avoir forcé l'entrée d'un appartement vacant de la cité des 4 000-Sud. Depuis le début du mois d'août, c'est au total une trentaine de logements qui ont ainsi été squattés et autant de familles rackettées. « C'est une véritable organisation, témoigne François Nivet, président de l'office HLM de La Courneuve. Les plus petits repèrent les logements vacants. Une fois au courant, les plus grands cassent les protections et y font rentrer, en échange de quelques milliers de francs, des familles. »

En juin 1999, de la même manière,cinquante-huit familles d'origine africaine étaient arrivées dans la cité du Franc-Moisin à Saint-Denis. Là aussi, les autorités avaient dénoncé le trafic, mais sans avoir recours à l'expulsion des familles, dont les trois quarts squattent encore la cité, et 25 % ont été relogées.

La préfecture de Seine-Saint-Denis assure être entrée en contact avec d'autres départements pour discuter des relogements. Dans le courant du mois, le préfet de région devrait organiser une réunion avec les maires des communes concernées pour discuter du problème des squats en Ile-de-France.

Stéphanie Pichon


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